Simplon.co est une initiative qui tente de démontrer que les personnes qui vivent ou sont issues de « quartiers politique de la ville » (aka « quartiers populaires », aka « géographie prioritaires » mais qu’on devrait appeler comme le dit si bien Majid El Jarroudi, Directeur de l’Adive des « territoires d’avenir ») sont celles qui doivent bénéficier en contrepartie de « l’apartheid » dont ils sont l’objet de solutions, d’efforts et d’attention redoublés, mais surtout que la révélation de leur potentiel doit être une priorité nationale. C’est pour cela que Simplon est implanté dans le 93 et dans des quartiers politique de la ville à Marseille dans les quartiers Nord, à Narbonne, à Roubaix, à Boulogne sur Mer et bientôt à Paris, à Verdun, à Vannes, à La Réunion, à Noyon, à Montpellier, à Lunel, à Toulouse, à Sarcelles, à Epinal, à Dunkerque, à Nantes, à Besançon, à Nevers, à Bordeaux, à Mantes la Jolie ou à Trappes…
Cette semaine, j’ai également été nommé par décret et « installé » lundi dernier aux Mureaux par Manuel Valls au sein du collège « personnalités qualifiées » du Conseil National des Villes (CNV) aux côtés de plein de gens bien (Anne Charpy de Voisin Malin) et Christophe Paris de l’AFEV ce qui m’a amené à signer, le Secrétaire national de l’AFEV Thibaut Renaudin, une tribune sur la nécessaire innovation dans la solidarité et le numérique pour les quartiers : lisez là et partagez là sans modération ici mais en voici quelques morceaux choisis :
- « Car, ne nous y trompons pas, les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans ces quartiers ne sont pas différents du reste du territoire, il n’y a pas de spécificité propre, ils sont juste plus importants sur des zones où l’on a fait le choix politique de la concentration. Plus d’exclusion économique, sociale, politique, géographique et ethnique, et surtout plus de discriminations qu’ailleurs !«
- « Si ces quartiers subissent beaucoup de fractures, il reste néanmoins deux domaines qui échappent à la règle : la solidarité et le numérique ! Ces jeunes des quartiers, et plus globalement les habitants en âge de travailler, sont les déshérités de l’économie industrielle du 20ème siècle. Faisons aujourd’hui, avec eux, le pari de l’accompagnement numérique. Dans une économie de la connaissance, aucun jeune ne doit sortir de l’école sans diplôme, permettons à ces habitants de développer les compétences transversales nécessaires dans notre économie moderne.
Enfin, j’ai également le plaisir d’accompagner la même semaine, avec Simplon et une Simplonienne (merci Naomi), deux initiatives très différentes mais très complémentaires autour des banlieues :
- « Osons la banlieue« , une série d’événements en forme de « forum économique dans les quartiers » initiée par Aude de Thuin et construite par la Fondation Mozaïk RH (Saïd Hammouche) et la Caisse des Dépôts partant du principe de « La banlieue est un formidable réservoir de croissance économique. Elle regorge de jeunes talents, de nouveaux business models et de créativité. Tous les ingrédients sont là, mais il manque encore le déclic, la sauce qui lie le tout. Nous voulons jouer ce rôle : constituer la plate-forme de mise en réseau et de mobilisation de l’ensemble des acteurs du monde économique pour valoriser l’excellence de la banlieue et déployer son potentiel économique. En un mot : être le fédérateur de talents, l’accélérateur d’opportunités.«
- Consortium Médias Banlieues plus 10 : des contenus à haute valeur ajoutée créés par des journalistes issus des quartiers et connaissant bien cet univers sur l’évolution des banlieues 10 ans après les « émeutes de 2005 » consécutives à la mort des adolescents Zyed & Bouna à Clichy sous Bois => lisez l’éditorial d’Erwan Ruty et découvrez ces contenus sont indispensables et salvateurs pour mieux comprendre ces quartiers et leur évolution (ou pas) :
- Soral et Dieudonné : les Experts 2.0 30 octobre 2015
- Une laïcité perçue comme au détriment des habitants des banlieues 29 octobre 2015
- Où est passée la charte de la diversité ? 28 octobre 2015
- 2005-2015 : quel débouché politique aux émeutes ? 26 octobre 2015
- 10 ans de rap, des « quartiers » aux beaux quartiers 25 octobre 2015
- La Paillade depuis 2005 : la cité est-elle vraiment tranquille ? 24 octobre 2015
- « Le parkour, c’est de l’adaptation au milieu urbain » 23 octobre 2015
- Solidarités religieuses dans les quartiers 23 octobre 2015
- Renaud Epstein : « On fait les mêmes erreurs qu’au moment de la création des grands ensembles » 22 octobre 2015
Alors la question que je me pose, et que je pose ici c’est : pourquoi ai-je tant d’intérêt pour la « banlieue » et les personnes qui y vivent et qui sont largement issues de la diversité alors que moi-même je ne suis pas originaire de ces quartiers (je suis né à Montmorillon dans la Vienne qui est plutôt un petit bourg en zone rurale), je n’ai pas grandi au contact de personnes qui y sont nées ou y ont été élevées (c’est pas à Science po Toulouse, à Paris Assas ou dans mes précédentes expériences professionnelles en agence de communication que j’aurais pu le faire) ?
Bah oui pourquoi ? Et pourquoi pas ?
Même si rien n’oblige à avoir toujours une raison pour faire les choses (mais moi j’aime bien, savoir, ou au moins me poser la question), et après y avoir (un peu) réfléchi, j’ai envie de donner des réponses qui me sont personnelles (donc pas la peine de troller sur des généralités, ici c’est de moi et des raisons qui me sont propres) et qui peuvent expliquer mon intérêt et mon engagement pour « les quartiers ».
La lutte des classes d’abord, clairement. Je suis d’origine modeste, d’une petite ville plutôt rurale, mes parents sont eux aussi d’origine très modeste (plus que moi car ils étaient poissonniers donc commerçants et gagnaient leur vie à la sueur de leur front donc j’ai pu faire des études) et j’ai donc de part mon histoire personnelle un rapport très fort à la question sociale, à la lutte des classes et une haine viscérale de la « distinction » utilisée par les riches, et les bourgeois, pour marquer leur différence avec « les autres », et je pense que dans une immense mesure le « problème » des quartiers n’est pas religieux mais social, économique et donc politique… Donc dans les quartiers, ce qui m’interpelle avant tout, ce en quoi je me sens proche, c’est en quoi ils représentent la classe laborieuse ou chômeuse ou trafiquante que les classes moyennes et aisées désignent comme « parias »…
Le « devenir minoritaire » aussi car l’autre aspect qui est très présent dans ma vision du monde, c’est mon aversion épidermique pour les asymétries, les rapports de force démesurément déséquilibrés, ça me rend dingue et ça me pousse donc naturellement à les combattre, à me mettre systématiquement du côté du « faible » contre le « fort », à vouloir rétablir les équilibres, redonner du pouvoir (d’agir) à celui qui en est privé ou qui en manque pour lutter contre l’oppression, à privilégier les mécaniques d’émancipation à celles qui aliènent, etc. Gilles Deleuze appelait ça le « devenir minoritaire » et c’est ça je crois qui me fait me sentir « rebeu » ou « black » ou « banlieusard », musulman ou « voilée » parfois aussi…
Aussi longtemps que je puisse remonter dans mes souvenirs, la seule fois où j’ai pu être en contact avec des personnes des quartiers prioritaires territoires d’avenir, c’était quand j’étais militaire, pas à Saint Cyr (malheureusement non) mais dans les parachutistes où mon binôme et plein d’autres paras étaient issus de ces quartiers, et mon mémoire à science politique portait sur « la reproduction des élites dans le recrutement des IEP » et mon attirance pour l’humanitaire, le « social » et le service des autres m’a fait oublier que j’étais un pur produit de cette école républicaine qui (re)produit tant d’inégalités sociales alors qu’elle devrait réduire les fractures sociales, numériques… Mais maintenant, parce que je suis engagé dans Simplon, c’est tous les jours que je suis baigné dans la banlieue et c’est un pur bonheur qui me remplit autant que quand je suis en Afrique en brousse ou dans un quartier populaire, et depuis peu autant que quand je rentre dans mon chez moi à Paris avec mes petits blancs d’enfants de bourgeois éduqué de l’innovation sociale, à Chateau Rouge et qu’ils me disent : « papa ce soir tu as vu, c’est encore le marché des cacahouètes » 😉
Simplon a été créé pour proposer des formations aux métiers numériques en tension à des jeunes décrocheurs et plus globalement des chômeurs de tous âges qui sont prioritairement issus des quartiers populaires (pas que car on s’attaque à la ruralité aussi, aux DOM TOM, à l’Afrique mais quand même beaucoup les banlieues). Mais au-delà de ça, c’est bien de mettre de la diversité dans le numérique, dans les entreprises du numérique, dans les postes numériques des entreprises et dans l’entrepreneuriat numérique et dans l’ESS qui en manquent CRUELLEMENT dont il s’agit. Il n’y a qu’à aller des rassemblements, dans les lieux d’élection et scruter les dirigeants de ces univers – tous blancs, éduqués, bien géographiquement nés, socialement émancipés – pour voir qu’il y a un clair souci de représentativité des banlieues et des personnes qui en sont issues et moi, ça me gonfle, vraiment !
Voilà, c’est tout, juste pour partager un peu ce que cette semaine « quartiers » m’a amené à réfléchir, et vous ça vous fait réfléchir, vous allez faire quoi, ou vous faites quoi, vous à ce sujet ? Réagissez dans les commentaires si le coeur vous en dit.
