Mieux que le conseil digital : le e-lean management

Suite au dernier article sur le darwinisme et l’effet Dunning-Kruger dans le digital, je continue un peu à enfoncer le coin, et de tenter de montrer que plus on parle de digital, moins on en fait (bien). C’est vrai pour les agences (qui n’ont que ce mot à la bouche mais ne maitrise pas les choses) et les annonceurs (qui disent qu’ils gèrent mais en fait non) : les apprentis sorciers sont partout ! Apprenons un peu à les reconnaître, démasquons-les et recardons un peu les investissements et les priorités.

Je répète à l’envie qu’une « stratégie digitale » ça n’existe pas, que les « internautes » ça n’existe plus et que plus on remet du IRL (ou du AFK pour les puristes) dans le online, plus on a de résultats et moins on écoute les experts auto-proclamés. Car qu’on croit pouvoir dominer les choses en « internalisant le community management » ou qu’on se place sur le piédestal fragile de la posture du « conseil digital », on prend le même risque mais pas du même côté. On ne filialise par le digital, ni en embauchant un community manager, ni en sous traitant à un prestataire son webmarketing, ni en considérant que sa communication doit avoir un « volet digital » (sic) car dans tous ces cas les KPI resteront digitaux et donc de l’ordre de l’auto-évaluation, ce qui n’est jamais très sain (juge et partie, toussa).

Donc pour éviter le syndrome du département communication ou marketing qui intègre un CM à son budget, et un « volet digital » à son plan annuel, autant que l’agence qui va proposer, au pire, une stratégie classique avec un déclinaison digitale, ou, au mieux, un dispositif « digital natif » (ou « buzz »), une seule solution : le lean management !

Hein, ce truc barbare issu du marketing ou de l’industrie, ou de l’informatique ? Bah oui, de même que l’agilité comme méthodologie de développement pour éviter les effets tunnels et les projets qui ne sortent jamais, ou dans des configurations déjà dépassées par les évolutions nées le temps de son déploiement, le lean management est à mon avis en cette période où tout le monde se gargarise de faire de la stratégie digitale, un prisme salutaire, voire une approche à substituer à tout autre forme de « conseil ».

Rappelons d’abord rapidement que le lean management se concentre sur tout ce qui créé de la valeur pour l’utilisateur, le client, le public et qu’il tend à éliminer tout le reste. Quoi ? Oui, vous avez bien lu. TOUT le reste ça dégage : TOUT. C’est du Toyota donc ça rigole pas mais en même temps c’est vrai que si on enlève :
– les effets de manches des experts, les « buzz-words » et les modes (« tu es pas encore sur Pinterest coco ? » des agences et des consultants (qui ne sont pas les payeurs on le sait, au contraire, ils sont indexés aux dépenses recommandées)
– les coûts et implications de l’égo-nombrilisme (« on est sur Facebook » ou « tu nous trouveras sur l’App Store » ou « on a gamifié un peu notre stratégie »), le la ré-assurance (la sécurité, le ROI, le grégarisme) et des « croyances » des responsables des investissements et des recrutements digitaux des annonceurs

Et bien que reste-t’il ?

Des initiatives isolées, sans lien entre elles, sans ROI, déconnectées de ce qu’est vraiment l’organisation, de sa stratégie sur les autres canaux : donc au final il reste rien SAUF tout l’argent et l’énergie dépensés pour tout ça. Car éliminer les gaspillages qui nuisent à l’efficacité et à la performance GLOBALE (pas digitale) d’une structure, et bien c’est ça le rôle d’un manager ou d’un consultant, et ça n’est pas en calculant le ROI de Facebook, en cherchant à augmenter son nombre de visiteurs uniques ou de fans/followers qu’on fait vraiment son job, au contraire.

Lean-process

C’est là que la métaphore du lean management – bah oui je ne disais pas ça au pied de la lettre (quoique) – est puissante puisqu’elle vise en entreprise à réduire :
– la surproduction => digitalement : trop de contenus, trop de temps et d’énergie dépensés pour les contenus au détriment de leur valorisation et du trafic/des conversions apportés)
– les délais d’attente => no comment là dessus, c’est évident que les processus de décision, de production, de correction, d’évolution et de réaction digitales ne sont pas adaptés car ils émanent de personnes et de schémas mentaux issus directement des métiers traditionnels du marketing et de la communication, voir des SI
– la manutention et le transport superflus, ou les traitements inadéquats => là c’est une image, mais éclairante, des allers retours et du temps perdu à traiter de l’information et à la mettre en ligne
– les stocks inutiles : là aussi n’importe quel webmaster, CM ou webmarketeur vous dira qu’il voit très bien où on peut économiser du temps, de l’argent, de l’énergie, du budget…
– les défauts de fabrication et les erreurs => au-delà du débugage et de l’amélioration continue, c’est bien de la logique de BETA, du test & learn et du « fail fast fail smart » qu’il s’agit au global

Si la valeur pour le public final – le client pour une entreprise (ou l’actionnaire), le bénéficiaire (ou le donateur/fondateur) pour une association – est le seul KPI mesuré et pris en compte : tout s’éclaire… L’efficacité, les objectifs, les règles du jeu, les priorités sont plus évidentes et il n’y a plus qu’à se mettre au boulot. Finis les lubies, les convictions ou les « parti-pris » des managers ou des agences !

On cite souvent un américain (John Wanamaker) comme ayant déclaré la formule suivante restée célèbre pour définir la communication : « Je sais que la moitié de mon budget marketing/publicitaire ne sert à rien, mais je ne sais pas quelle moitié« . Et bien en matière digitale, non seulement on sait quelle est la moitié qui sert à rien, car tout est traçable et objectivable (vraiment je veux dire, pas du GRP ou des occasions de voir, ou du CPM), mais en plus on sait que la moitié qui est dépensée en pure perte est celle qui découle des recommandations « stratégiques » d’agences ou des « bons plaisirs » des managers qui se piquent de savoir comment gérer des projets digitaux.

La bonne nouvelle c’est donc qu’on sait quoi éliminer, où sont les gaspillages et comment améliorer l’efficacité et la performance des organisations avec le digital, et comment optimiser les investissements digitaux.

Ouf non !?

C’est pas demain la veille… c’est maintenant !

La veille… encore un mot valise pratique et évocateur mais qui cache des réalités bien différentes selon qui l’emploie, dans quel contexte, pour quel objectif… Maintenant on dit « e-réputation » mais en fait c’est de la veille, et la veille c’est de la curiosité systématique donc finalement, c’est pas très nouveau, sauf que…

Perso j’en faisais avant de savoir que ça existait, en achetant des journaux, en lisant des livres, en me rencardant auprès de personnes proches de ce qui m’intéressait, et puis j’ai découvert le web et là ça a été une élargissement considérable du champ de ma curiosité, aka veille… et juste après j’ai choisi de finir ma spécialisation universitaire (après les sciences politiques) par un DESS d’intelligence économique où j’ai appris « la théorie et la pratique de la veille stratégique » : rien que ça…

Ensuite en tant que planneur stratégique et qu’expert en communication de crise (chez DDB&Co), j’ai intégré la veille dans ma pratique quotidienne, diffusé des informations en interne pour alimenter les commerciaux et nous donner des biscuits quand on était en compétition / appel d’offre et enfin packagé une offre agence dédiée à de la veille, orienté « insights » et « crise ». C’est à ce moment que j’ai touché du doigt la difficulté de facturer / valoriser ce travail qui mixe intelligence, outils et rigueur car autant tout le monde était toujours content de recevoir des informations pertinentes, ciblées et en temps quasi réel, autant c’était dur de faire accepter que ça représentait une valeur, y compris marchande.

Après DDB, je suis allé monter une structure dédiée à la veille chez Publicis, Netintelligenz, où j’étais responsable du « knowledge management » (SIC) et donc plus concrètement de la veille, des outils et des gens qui la produisaient. Aboutissement de ce processus de formalisation et d’industrialisation de la veille que je réalisais auparavant avec des outils gratuits, j’ai benchmarké et choisi avec mes associés de l’époque une solution automatisée, capitalisant sur une base de connaissance sémantique à réseaux de neurones, déclinées pour le secteur privé à partir de celle qui était en production au sein de la DGSE (Taïga > Arisem). Nous avons mis des mois à paramétrer cette solution, et en attendant nous poursuivions nos veilles « à la main ». Et quand elle s’est révélée opérationnelle, nous avons pris conscience qu’elle n’était efficace que dans des cadres très précis : gros volume de mentions, sémantique peu ambiguë et peu mouvante à surveiller (sinon il fallait renseigner la base de connaissance et apprendre au système le sens des mots), corpus restreint à quelques langues internationales en alphabet occidental (sinon ça marchait pas), sources relativement stables à la fois en terme de technologie et de nouveauté (car il fallait les ajouter à la main)… et il manquait à cette plateforme des outils de visualisation permettant de créer des tableaux de bord quantitatifs, voire qualitatifs (positif, neutre, négatif). Et il n’y avait que les newsgroups et les blogs à l’époque, ni Twitter et ni Facebook !

Par la suite, depuis mon départ de Netintelligenz en 2000, je suis resté « un veilleur » mais sans plateforme sémantique, à la mano avec mes yeux et mon sens de l’analyse, ma connaissance du web, des sources, des différents cycles de l’information… Pour mon travail, pour rester au courant de tout, dans mes conseils, ça m’aide beaucoup, et ça remplit aussi ma curiosité naturelle, mon envie d’apprendre, d’être en prise avec l’actualité du monde, celles des mes centres d’intérêts, etc. De toute mes expériences, j’ai gardé une idée chevillée au corps, une conviction forte comme on dit, que j’avais avant de savoir ce que c’était que « la veille » : le meilleur veilleur du monde ce n’est pas une histoire de sémantique ou de plateforme logicielles valant des centaines de milliers d’euros, c’est juste une question de personne : celle qui sait utiliser les algorithmes et les logiciels qui sont à sa disposition, qui sait formuler de bonnes requêtes, raffiner ses sources, qualifier les documents qu’il détecte, les analyser et les transmettre accompagnés d’un mode d’emploi, d’une recommandation sur « quoi faire face à ce document ? »…

Je veux bien croire que quand on s’appelle Coca Cola, Nike, Apple ou Orange on a besoin d’outils pour gérer une volumétrie impressionnante de mentions de sa marque, et que les plateformes logicielles et les abonnements à des outils/services qui crawlent toutes les sources (et le « web invisible » 😉 dans toutes les langues rassurent les directions générales et com/marketing en donnant de beaux graphiques et des chiffres qui servent dans des rapports… peut être… mais la crise énorme, ou le « signal faible », ou la tendance de fonds, ou l’usage nouveau, ou l’insight stratégique qui peut changer la vie d’une marque à court terme (crise médiatique commençant sur Twitter ou ailleurs sur le web) ou à moyen terme : c’est une personne qui la trouve à chaque fois, soit qu’elle pilote la solution de veille ou qu’elle s’y substitue.

J’ai des dizaines d’exemples de documents déterminants qui sont apparus sur le web à des endroits improbables (et donc non indexés / surveillés), dans des créneaux horaires non standards (vendredi soir, week-end, nuit) ou dont personne n’avait imaginés qu’ils soient importants et qui n’ont été portés à la connaissance des clients que parce qu’un oeil humain, une personne s’en est saisi, l’a vue, comprise et diffusée à la bonne personne, rapidement.

Pour ne donner qu’un seul exemple, en 1999, je me suis retrouvé face à un message posté dans un newsgroup obscur, que j’avais détecté via Dejanews à l’époque (racheté par Google ensuite), sur la base d’une requête comportementale (pas en surveillant le nom d’une marque précise mais une expression contextuelle de mise en cause d’une marque peu importe laquelle) et ce message annonçait une crise retentissante pour la marque qui y était citée mais avec une faute d’orthographe improbable, car le message avait été rédigé par des gens créoles et diffusé via un cybercafé dans un des pays les plus pauvres du monde. Une semaine après, parce que j’avais prévenu le dircom de la marque mise en cause en lui envoyant un simple mail, je me suis retrouvé à partir en urgence dans ce pays, encadré par un garde du corps et en 4×4 blindé, pour étudier in situ la réalité de ce que le message du newsgroups annonçait. Dans ma chambre d’hôtel, de laquelle on pouvait entendre des coups de feu le soir, je me suis pris à penser que « la veille » pouvait être très puissante puisqu’elle m’avait amené jusque là, mais que c’est bien moi qui était le veilleur et pas le moteur de recherche, la plateforme sémantique ou quoi que ce soit d’autre…

Bref, tout ça pour en arriver là : comme je fais une veille permanente pour moi (perso, pro, clients, thématiques émergentes), que j’ai un bookmark et un Google Reader plein de sources accumulées depuis des années et un savoir particulièrement rodée et redoutable dans le domaine, j’ai décidé de proposer de la mutualiser cette matière et de la diffuser, car je sais que cela peut intéresser plein de gens, en agence, chez l’annonceur, dans les start-ups en incubation ou en amorçage, pour les frees aussi. Mon compte Twitter est déjà une source de veille pour quiconque s’intéresse au digital, aux ONG, à l’hacktivisme, à l’activisme, mais là il s’agira d’aller un peu plus loin et de rendre accessible une matière plus opérationnelle, tournée vers la conception la mise en oeuvre et le pilotage de stratégies digitales, l’innovation, les médias sociaux. Cette offre, parce qu’elle ne sera plus seulement « pour moi » et donc parfois aléatoire ou non systématique, sera donc forcément payante et je me suis donc essayé à la packager comme c’est décrit ci-dessous, et d’y ajouter quelque chose de plus : le fait de pouvoir poser des questions et d’avoir des réponses rapides, par mail, car c’est ce que je fais pour des amis, des associations ou des partenaires, gratuitement, mais je pense que cela peut avoir une valeur pour d’autres personnes qui en aurait besoin pour améliorer leurs stratégies.

Mais la vraie question qui demeure est double : pourquoi faire payer alors que je pourrais partager tout ça gratuitement, et qui serait prêt à payer pour obtenir des choses que moi je trouve gratuitement en ligne ? Et bien ça découle de tout ce que j’ai dit avant. Toute l’information nécessaire pour rester pertinent est disponible gratuitement sur Internet (actualités, bonnes pratiques, études, livres blancs, astuces), mais certains n’ont pas le temps de la chercher et de la qualifier (vrai ou faux, obsolète, objectif et indépendant ou commercial ou biaisé). De la même façon, beaucoup d’organisations ont des questions claires et précises qui appellent des réponses concrètes et rapides mais aucune personne disponible, réactive et de confiance à qui les poser. Et c’est là que mon temps, mon expérience et ma valeur ajoutée peuvent intervenir, et que cela appelle naturellement une contre partie car les personnes qui emploient ces informations le font pour augmenter leur valeur à elle : que ce soit des ONG pour améliorer leur notoriété et leur collecte de fonds, les organisations publiques pour rendre un meilleur service, et les entreprises privées pour leur business. Et avoir une information déterminante, au bon moment, ça peut tout changer et ça donc un prix, et en jouant sur le volume d’abonnés je vais tenter de maintenir des prix accessibles mais qui rémunèreront quand même mon temps, car c’est mon métier et mon unique gagne pain (faire des livres sur Anonymous ne paye pas… ou il faudrait en vendre 100 fois plus ;-).

Offre « Edge of digital in your box » :
1. Veille (abonnement mensuel à 99 euros HT) : recevez quotidiennement une veille orientée digitale ciblée et son mode d’emploi sous la forme d’alertes email (minimum 5 par jour ouvrés)
2. Q&A (abonnement mensuel à 199 euros HT) : posez des questions simples et précises, et d’obtenir une réponse dans les 2h par retour de mail (1 par jour ouvré maximum lissé sur 1 mois)
3. Prestations sur mesure (sur devis) : veille spécifique, questions complexes avec remise d’un rapport synthétique dans la demie-journée…)
Modalités : abonnements de 3 mois minimum, remises en cas de cumul d’abonnements (2ème abonnement dans la même société = 30 % offert, 3ème = 40% offert, 4ème et suivant = 50 % offert) ou de parrainage d’abonné supplémentaire (un filleul parrainé = 30 % offert, 2 filleuls = 40% offert, 3 filleuls et filleuls suivants = 50 % offert)

Merci de vos commentaires et remarques si vous trouvez ça perfectible, trop ou pas assez cher, etc.

Internet champagne supernova : des bulles et des étoiles déjà mortes

Je me souviens en 2000, j’étais au coeur de la création d’une start-up, j’avais des stock-options, on était raccroché à un groupe de communication « classique » et on faisait les malins, tout le monde était ringard à côté de nous, on avait un plateau de plusieurs centaines de mètres carrés alors qu’on était 4, on avait acheté un progiciel très sophistiqué très cher, nous avions pour mission de prendre des parts de marché, de servir les clients du Groupe, pas d’être profitable immédiatement…

Et puis on s’est pris le crash du Nasdaq en pleine figure, les actionnaires ont sifflé la fin de la récréation, la filiale autonome rattachée directement au Président du Groupe est devenue une business unit d’une filiale existante et profitable, on a été prié d’être rentable le plus rapidement possible, j’ai laissé mes stocks sur la table et je suis parti dans une autre agence d’un groupe de communication qui n’était pas plus digital que le 1er, moins même, et qui l’est toujours pas plus aujourd’hui…

Le rachat d’Instagram par Facebook 1 milliards de dollars, ce qui est beaucoup pour une startup de 14 personnes, la valorisation prévisionnelle à l’entrée de Facebook au Nasdaq, la déconfiture de Groupon il y a pas si longtemps, les levée de fonds impressionnantes de Zynga, Pinterest, Klout, Path et les spéculations sur la valeur de Twitter bien entendu : tout le monde reparle de « bulle » comme à la grande époque de la « netéconomie » des Multimania et consors.

Moi je parlerais plutôt de « bulles », parce qu’il y a la bulle « sociale », la bulle « écologique/green », la bulle « bio/nanotech », la bulle « cloud », la bulle « social business », la bulle « immobilière » (une vieille revenant celle-là), la bulle « financière » car les produits dérivés et les hedge funds sont repartis de plus belle comme si la crise de 2008 et de 2010 n’étaient jamais arrivées, et bien sûr la bulle pétrolière qui ne se tarit pas à mesure qu’on s’approche du « peak oil »… D’où le choix dans mon titre de parler de « champagne » car il y a des bulles, et qu’il y a des gens qui doivent en boire par mal en ce moment et pas que chez Instagram et Facebook, dans les BRIC et les pays du Golfe, chez les traders et dans les startups bio-nano-écolo-socio…

Donc tout ça pour dire que les bulles ne sont pas propre à Internet et donc que se réjouir d’une bulle en invoquant Instagram ne doit pas nous faire oublier les « autres bulles » et l’idée de bulle comme d’un micro-climat de sur-valorisation qui permettrait de déconnecter une entreprise ou un secteur de la richesse explicite et concrète qu’il créé, ou pas, pour « le marché » et surtout pour « les gens ». Les anti-Internet, ceux qui ne le comprennent pas, ceux qui sont déstabilisés par la vague numérique, qui est une lame de fond et non un tsunami ou une vaguelette, ceux qui en vivent trop bien et qui grossissent le trait : tous contribuent à la bulle, tant pis pour eux !

De l’autre côté ou de manière identique selon, en face des bulles ou en tant que bulles elles-mêmes, il y a des supernovas. Ces étoiles qui semblent par leur éclat en train de naître, mais qui en fait sont en fait sur le point de mourir, ces sortes d’étoiles sont déjà mortes, mais qu’on voit encore briller car leur lumière arrive encore jusqu’à nous des années après leur mort tant elles sont lointaines. C’est ça la question que je me pose souvent, pour Facebook ou Pinterest, ou pour l’industrie musicale, le monde de l’édition ou la TV tels que nous les connaissons aujourd’hui, et pour toutes les organisations qui ont pignon sur rue, qui affolent les médias ou qui sont sur le point de mettre la clef sous la porte : sont-ce des bulles ou des supernova ? Des entreprises ou des secteurs sur-valorisés et donc prêt à disparaitre, ou des structures qui brillent encore mais qui sont déjà mortes ?

Pour répondre et trancher, c’est souvent compliqué. La capacité d’innovation et de transformation interne est un bon indicateur pour dire « c’est du bon, ça va durer », mais les capacités à influencer l’environnement légal et de marché sont aussi déterminantes pour juger de la pérennité d’acteurs du monde de la production cinéma, des jeux vidéos, des contenus vidéos… Car ce serait trop facile d’opposer ou de comparer Amazon à Gallimard, TF1 à Netflix, Google à Facebook… Il y a de la place pour tout le monde, pour les suiveurs, les filous, ceux qui ont un quart d’heure d’avance, ou 20 minutes de retard, pour les ringards et les tocards, pour les gens brillants, les génies et les précurseurs… Mais n’est on pas l’un et l’autre alternativement dans son histoire, ou simultanément selon les niveaux ? Est-ce si facile à trancher que ça ?

Dans mon métier c’est un peu pareil, des groupes de communication « classique » qui ont racheté des structures digitales, ou des pure player qui se sont développés sur les métiers offline de la communication : qui va gagner ? qui a « raison » ? Aujourd’hui tout le monde fait, parle, dit qu’il fait ou prétend croire qu’il fait « du digital », à tel point qu’on ne voit plus la différence entre « les vrais » et les ersatz. Les borgnes règnent aux royaumes des aveugles, on se rassure par la taille, les chiffres et les marques « repères » mais on ne regarde pas les technologies, les usages, les tendances de fond. Pourtant la rentabilité, la pérennité et la marge brute ou les parts de marché ne représentent pas le vrai rapport de force, celui de la « vérité » du digital, du potentiel immense qu’il recèle…

Les bulles et les supernovas ont encore de beaux jours devant elles. Alors en attendant écoutons Oasis et « Champagne Supernova ».

On s’en parle quand vous voulez.

PS : le premier à poster dans les commentaires la startup dont je parle au tout début de cet article a gagné… une coupe de champagne 😉