Drôle de titre encore 😉
C’est de la centralité des enfants dans ma vie, dans ma vision du monde et dans la structure de la politique que j’aimerais voir régner sur le monde, et par opposition l’absence coupable des enfants dans la philosophie, la politique, l’éthique des personnes et des organisations que je vais évoquer : c’est ça l’enjeu de ce billet.
Notre société valorise les enfants pour mieux vendre, infantilise les gens pour mieux les contrôler, le marketing les cible comme des prescripteurs d’achat vis-à-vis de leurs parents et comme une population dont le pouvoir d’achat propre est non négligeable.
En revanche, philosophiquement, politiquement et éthiquement, rien de tel, c’est plutôt le contraire : les enfants sont replacés dans leur caractère de non-adultes, donc de non-responsables, de non-citoyens et de personnes incapables au sens juridique, intellectuel et politique.
Bizarre non ?
Alors que si on y réfléchit bien, c’est au nom des enfants que nous décidons, ce sont eux les « générations futures » non ? Leur prise en compte dans la politique, vis-à-vis à minima et de manière évidente de l’environnement mais pourquoi pas plus largement, n’est donc pas à l’hauteur de l’enjeu qu’ils représentent. Pourquoi ne pas abaisser la majorité légale du droit de vote alors qu’à 18 ans ils sont déjà consommateurs et parfois ils travaillent ? Plus fondamentalement pourquoi ce sont les « vieux » qui décident pour leur avenir alors que par définition ces mêmes personnes qui les gouvernent n’assumeront pas les conséquences de leurs actes ?
Imaginez un peu une politique qui investirait sur les enfants et tout ce qui les amènerait structurellement à se développer, s’épanouir et devenir des adultes responsables et innovants. Je pense ici aux parents d’abord, à ceux qui les aide (crèches, aux nounous et aux assistances puéricultrices), à l’éducation primaire et secondaire bien entendu, mais aussi à la recherche fondamentale et appliquée, à toutes les sphères qui facilitent la vie des enfants et leur édification : les soins, la musique, le sport, la culture, l’informatique…
La philosophie fait si peu de place aux enfants, à la construction de la pensée spécifiquement enfantine (c’est une non pensée, une non raison), à la naturalité de leurs instincts altruistes, de leur bienveillance, de leur candeur et de leur proximité intrinsèque les uns avec les autres, sans que la couleur, la classe sociale ou la religion soient même évoqués.
Car dans la sphère « privée » c’est pire encore, ou c’est la même chose plutôt, mais différemment.
Qu’apprend t’on aux enfants ?
A mentir face à leur spontanéité, à refrainer leurs envies ou à les transformer en besoins de consommer ou de faire des choses inutiles (qu’on pense à ce qu’est devenu Noël)… A respecter des autorités qui les spolient ou agissent de manière complice avec la situation globale que je décrivais plus haut… A aspirer à la bienséance, à la docilité, à la performance, aux résultats scolaires et aux plus hautes responsabilités – la « rat race » (course de rats) comme disent les américains… A remettre à plus tard leurs rêves le temps de sacrifier leur temps à donner le change à une société qui les méprise ou les instrumentalise… A adorer les idoles, civiques, médiatiques, mais à détourner leur regard des SDF, de ceux qui luttent, de la violence sourde des milieux d’enfermements auxquels ont les prépare (école, bureaux… ou prison), d’oublier leurs compatriotes enfants qui meurent chaque jour dans les pays qui n’ont pas la même chance que nous, et à cause de nous qui le provoquons ou le laissons faire (quelle différence)…
Parfois je pense à ce que serait une philosophie, une économie, une politique, une éthique et un gouvernement qui placerait l’avenir, donc les enfants, au coeur de sa stratégie et de ses objectifs.
C’est vrai que j’ai une relation personnelle forte à ce qu’a été ma pensée d’enfant, pleine de rêve, d’imagination, de possibles, d’idéaux. J’ai une volonté farouche de placer mes enfants, leur liberté, la mienne au coeur de ma vie, autant que de construire patiemment mais sûrement les enfants qui en ont besoin, les orphelins et le symbole de ce qu’ils représentent au centre de mon projet de vie.
C’est aussi pour cela que j’ai du mal à débattre sur la meilleur manière de changer le monde avec des personnes qui n’ont pas d’enfants, qui n’en veulent pas, qui ont oublié quels enfants ils étaient ou encore qui ne voient pas de caractère crucial dans l’enfance et dans l’avenir des enfants. Parfois j’ai envie de leur dire : passe une demie-journée avec un nourrisson, à le faire manger le changer, t’en occuper, ou un enfant plus âge si les tous petits t’effrayent, et tu te rendras compte que tout ce qui remplit ta vie n’est pas en rapport avec « LA VIE », la seule qui soit, celle qui se déploie et aspire uniquement à vivre, rien de plus puisque rien d’autre n’est important au fond. Il suffit de regarder un enfant jouer, vivre ou s’approcher de soi pour comprendre que tout ce que nous appelons civilisation est une négation de ce qu’ils sont, donc de ce que nous étions, et de ce que nous sommes ou devons rester.
Je ne dis pas que les enfants devraient diriger le monde, qu’il n’ont rien à apprendre ou qu’ils devraient être plus écoutés que les adultes mais simplement qu’ils devraient occuper une place beaucoup plus centrale, celle qu’ils ont dans certaines familles, régions, pays ou ethnies. Parce qu’ils sont la vie en actes, la pureté de cette pulsion de curiosité, tournée vers le monde, la découverte et l’apprentissage. Parce qu’ils représentent ce que René Char disait des poètes : une salve d’avenir face à l’effondrement des preuves.
Depuis que je suis père chaque jour je pense aux miens et à ceux que j’ai adoptés comme les miens, avant je pensais à eux plus théoriquement mais ils étaient présents, dans ma vision de la politique, du partage, de la propriété et de ce qui est important, « vital » : et vous ?
