C’était hier soir, à l’ESCP à l’initiative de « YESS, You & ESS » et c’était génial.

Je suis intervenu en format Wikistage (9 minutes) sur le thème de la révolution dans l’éducation aux côtés de Jean Marc Tasseto (ex patron de SFR et de Google France), d’Olivier Crouzet le pédagogue de l’école 42, de François Taddéi notre gourou national et patron du très innovant CRI, de Muriel Epstein la dynamique représentante de TRANSAPI, de Jérémie SICSIC (Unow) et de Catherine Mongenet
En attendant la vidéo, voici la transcription approximative (mes notes) de cette intervention :
J’ai pas envie de vous parler d’ėducation, j’ai envie de vous parler de politique, je sais que c’est pas a la mode, ca ennuie tout le monde, mais c’est tres important pourtant, fondamental
J’ai envie de vous parler d’émancipation, de classes sociales, d’exclusion, de justice et de pouvoir
C’est ce qui m’a toujours passionné : Anonymous, la digitalisation des ONG, l’entrepreneuriat social numérique…
Et je commence par une question : a votre avis peut on faire une démocratie et peut on faire société avec une une majorité d’illettrés ?
L’histoire, la philosophie et les sciences politiques répondent non, c’est assez clair ça
mais alors, dans une société numérique, ou les machines, les réseaux et les données sont partout : peut on être un citoyen, un acteur et avoir la pleine maîtrise de son destin et de son environnement si on ne comprend rien au numérique, si on est un illettré du numérique ?
On appelle ça l’illectronisme et on parle de problèmes de littératie digitale pour décrire l’analphabétisme du numérique, l’incapacité à se servir d’un ordinateur, d’Internet, de comprendre, chercher, critiquer les informations et les usages qui sont liés au numérique,
et on désigne souvent les mêmes populations quand on parle de ça : celles qui sont « éloignées du numérique » => pays, territoire et classes sociales déconnectées, migrants, sdf, zones rurales, décrocheurs, chômeurs, femmes seules élevant des enfants, seniors…
c’est vrai que c’est un problème pour eux…
mais ça ne l’est pas seulement pour ces personnes exclues, marginales ou défavorisées, c’est vrai pour tout le monde, pour la majorité des gens en fait
même ici je dirais assez facilement qu’il y a une majorité d’illettrés du numérique, comme il y en a une majorité dans la classe politique, dans les élites économiques, chez les cadres dirigeants, des les écoles de commerce… et autant à paris qu’en province… autant chez les riches que chez les pauvres…
pourquoi ce constat un peu dur ?
parce que la véritable littératie numérique, la plus préoccupante pour moi, ce n’est pas celle qui prive d’accès à Internet, celle ci est terrible, ni celle qui prive des usages car celle là est handicapante : c’est celle de la compréhension critique, de la distanciation de posture par rapport au numérique
Celle qui touche au coeur de ce que sont les machines, le numérique, la langue des ordinateurs, des téléphones, maintenant des voitures, des objets connectés, celle qui permet de comprendre la technologie dans ce qu’elle a de non technologique, de culturel, de politique surtout
celle qui a fait dire à un américain une phrase très violente, mais tellement vraie : dans la vie il faut choisir entre programmer, ou être programmés
J’appelle illettré du numérique toute personne qui ne s’est pas transformé radicalement dans sa pratique numérique d’une posture d’utilisateur, de consommateur en une pratique d’acteur, de contrôle des machines, des enjeux qui les traversent…
c’est pour cela que j’ai cofondé simplon, une école qui forme gratuitement des personnes éloignées du numérique, défavorisées ou sous représentées dans le numérique, une ecole qui permet a ceux qui en ont le plus besoin les pouvoirs magiques de la technologie, une école qui forme des enfants, des chômeurs et des allocataires du RSA, des filles, des cadres dirigeants à la programmation informatique
et c’est pour ça que j’ai écrit « lire, écrire, compter, coder » chez FYP en juin dernier, parce que c’est très important
Bien entendu il ne s’agit pas de devenir tous développeurs, tous informaticiens mais de comprendre, de renverser l’asymétrie entre ce que beaucoup considèrent comme des boites magiques ou « du virtuel » ou « le mal » ou « la solution à tout », et nous, moi, vous, tout le monde
Car il n’y a aucune barrière entre nous et les machines, pas plus qu’il n’y a de barrière de langue entre nous et une personne d’un autre pays, encore moins même car ce ne sont pas des gens les machines, les réseaux : ce sont des outils qui nous obéissent, que l’on peut programmer… pas le contraire… et c’est pas un truc réservés aux scientifiques, ça n’est pas qu’une science, c’est un art, un artisanat, un loisirs, une compétence…
Je connais des boulangers développeurs, des hacker qui ne codent pas mais qui hacker l’éducation, l’administration, la cuisine…
Apprendre la langue des machines ce n’est pas non plus seulement pour trouver du travail, pour remplir les troupes des startups pour rivaliser avec la silicon valley que vous devez apprendre à coder, comprendre la pensée computationnelle, l’algorithmique, la programmation, la fabrication numérique, l’électronique, la robotique… et tous les usages créatifs du numérique
Non ça n’est pas pour ça
c’est parce que c’est un levier formidable d’émancipation individuelle, cela permet de reprendre la main sur sa vie, son destin, sa carrière, de démultiplier ses passions, de s’ouvrir d’avantage sur le monde, de mieux comprendre comment il fonctionne, comment le changer, le hacker…
d’autres le font avec le sport, la cuisine, le travail qui est émancipateur mais le code a des choses en plus : c’est un levier d’émancipation collective, de citoyenneté et de souveraineté, d’inclusion donc il faut qu’il soit étendu à tous les pans de la société, que tout le monde comprenne qu’il faut programmer ou comprendre la programmation, ou être programmés
mais comment on démocratise tout ça ?
par le périscolaire : publics enfants, par la formation pour réduire la fracture chez les salariés
par des dispositifs spécifiques pour les chômeurs/quartiers/ruralité/diasporas/migrants/SDF et simplon essaime partout et il y a aussi 42, la Webacademie aussi, les voyageurs du code et les petits debrouillards
C’est important de programmer aussi pour les femmes, surtout, car ça c’est encore tabou dans les métiers techniques du numérique, la mixité, la parité et la promotion du code chez les femmes reste encore largement à faire
on y travaille particulièrement à simplon, avec 50% de femmes dans nos promos, on est pas seuls a defendre la mixite et la parité, mais ce n’est pas la priorité de tous, c’est dommage…
les problèmes que nous rencontrons sont nombreux et les ennemis pas toujours où on les attend :
qui fait la démocratisation ?
les informaticiens ?
non, ce sont nos ennemis, ils veulent sanctuariser l’informatique comme une discipline, une aristocratie, dire que ça appartient aux sciences alors que c’est aussi un art, un loisirs, un artisanat…
qui décide de la démocratisation ?
Nos elites débordées/dépassées, les industriels qui veulent de la chair à startup ou les SSII ?
non, c’est à nous, et à nous seul de décider, de vouloir savoir lire, écrire, compter, coder
qui paye ? quel business modèle ?
beaucoup de modèles sont gratuits, ils demandent une motivation forte et il faut qu’ils soient de qualité
d’autres sont payants mais ne sont pas ouverts à tous, c’est dommage
Alors et vous ?
Vous voulez programmer ou être programmés ?
Apprenez à coder, emmenez y vos enfants, parlez en autour de vous…
Merci
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