Burning Man comme possibilité

Pas de spectateurs : c’est un des crédos de Burning Man, le festival un peu particulier qui se déroule chaque année depuis 1986 en plein milieu du désert du Nevada et maintenant aussi en Europe, en Israël, en Afrique du Sud, en Corée…

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Evénement singulier à plusieurs titres, Burning Man attire de nombreuses personnes du monde entier car il procure une expérience collective unique aux individus qui y participent puisqu’il s’agit de monter de toute pièce une véritable ville en plein désert – Black Rock City – d’y vivre en autarcie pendant plusieurs jours sans intervention ni lien avec l’extérieur et ensuite de la démonter sans laisser aucune trace à la fin du festival. Empruntant aux rites païens, aux cultures de la fête et des raves, aux carnavals et aux manifestations dans l’espace public et à Mad Max autant qu’au Spring Break, Burning Man a créé une communauté originale – les burners – rassemblée autour de valeurs très spécifiques qui ont été comparées à celles en vigueur dans le monde des logiciels libres, des communautés hippies ou religieuses, des travellers, etc.

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Pas de spectateurs mais aussi du partage, de la débrouillardise et de l’innovation jugaad, l’interdiction des échanges marchands pendant le festival : autant de parti-pris forts qui se sont exportés au-delà de Black Rock City mais également dans un contexte plus spécifique malheureusement assez mal connu : celui d’une ONG.

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C’est en effet en 2005, alors que l’ouragan Katrina dévaste la Louisiane et le Mississippi en plein festival que le bouche à oreille au sein des « burners », relayé par la Black Rock Information Radio (BMIR, 94,5 FM), se développe et va rapidement aboutir à une réponse humanitaire portée par « Burners Without Borders ». Plus de 100 volontaires partent sur place et établissent un camp à Biloxi Mississipi pour prêter main forte aux sinistrés, construire des abris de fortune, mettre en place des infrastructures facilitant la vie des personnes et créer de petits îlots de solidarité à l’image de mini Back Rock Cities.

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2 ans plus tard, « Burners Without Borders » interviendra également après un tremblement de terre au Pérou, à Pisco, et à Monbasa au Kenya. Preuve qu’un rassemblement hétéroclite de fêtards, de newagers, de hipsters apatrides, de militants, de curieux et d’individus en mal d’expériences atypiques peut aussi donner naissance à des actions plus « sérieuses », solidaires et humanitaires, mais tout autant politiques que l’idée d’origine de Burning Man : un autre monde et d’un autre mode de vie sont possibles, il n’y a pas que l’individualisme comme horizon indépassable…

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Ca me ferait presque penser aux « dérives » humanitaires, politiques et associatives, auxquelles j’ai assisté et participé, de l’hacktivisme avec les représentants de la société civile, rapprochement qui a vu des Anonymous et des personnes issues de Télécomix rejoindre les combats et les rangs d’ONG… et qui était pourtant considéré comme incongru, contre nature et signe d’une instrumentalisation néfaste aux valeurs des hackers.

Mais ce serait faire un rapprochement qui ne doit pas être fait…

Enfin quoique 😉

Ma pomme dans Libération en portrait avec une photo qui va rester ;-)

Des compagnon(e)s de route professionnels qui disent du bien de moi, une journaliste qui a passé du temps à comprendre l’incompréhensible (mon parcours, mes paradoxes, mon rythme) et un photographe qui a improvisé avec des éléments de décor issus des travaux de l’usine où nous sommes à Montreuil une photo qui va me suivre longtemps car certains esprits mal tournés y ont vu une référence phallique : c’était mon portrait dans le cahier Ecofuturs de Libération.

(Photo Audoin Desforges pour Libération)
Photo Audoin Desforges pour Libération

L’article intégral en ligne

Lire, écrire, compter, coder (FYP Editions)


MISE A JOUR septembre-octobre 2015

Le Président de la République en lançant la démarche « Grande Ecole du numérique » :

//platform.twitter.com/widgets.jset la Ministre de l’Education en lançant la Code Week France 

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ont repris le titre de notre ouvrage en forme de clin d’oeil, démontrant ainsi que la bascule institutionnelle sur la question de la généralisation de l’apprentissage d ela programmation informatique est belle et bien faite !


Je me rends compte que j’ai même pas publié de post sur mon dernier livre, toujours co-écrit avec mon complice Nicolas Danet (comme Anonymous fin 2011), qui traite de la question de la démocratisation de l’apprentissage de la programmation informatique.

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Passer de l’autre côté de l’écran en apprenant la langue des machines (ordinateurs, téléphones, robots, électronique, objets connectés…), c’est arrêter d’être un utilisateur et pouvoir enfin reprendre la main, créer et renverser l’asymétrie et le rapport de force avec la technologie, la contrôler. Tout ça va donc beaucoup plus loin que de se doter d’une compétence très recherchée sur le marché du travail ou de pouvoir « monter une startup », il en va de notre souveraineté, de notre citoyenneté et de notre émancipation (voir ici).

Dans cet ouvrage tous publics, Nicolas et moi reprenons les choses à la base – qu’est ce que la programmation ? pourquoi est-ce si important ? pourquoi veut on que nos enfants en fasse à l’école ? pourquoi plusieurs pays l’ont déjà mis en place ? – et proposons une description des enjeux et des méthodes qui permettent de mieux comprendre, et d’apprendre ce « latin du XXIème siècle », de s’amuser en « codant » et de créer des choses utiles, drôles ou rentables avec ce savoir faire accessible à tous.

MOOCS, écoles, ateliers pour enfants : il existe plein de moyens de découvrir et d’agir créativement avec le numérique. Un livre à mettre entre toutes les mains : éducateurs, médiateurs et animateurs, parents, ados, demandeurs d’emplois, startupers ,professionnels et citoyens voulant en savoir un peu plus sur le monde numérique qui nous entoure.

On en parle (critiques, compte rendus de lecture…) sur :

 

Wikistage sur la révolution de l’éducation

C’était hier soir, à l’ESCP à l’initiative de « YESS, You & ESS » et c’était génial.

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Je suis intervenu en format Wikistage (9 minutes) sur le thème de la révolution dans l’éducation aux côtés de Jean Marc Tasseto (ex patron de SFR et de Google France), d’Olivier Crouzet le pédagogue de l’école 42, de François Taddéi notre gourou national et patron du très innovant CRI, de Muriel Epstein la dynamique représentante de TRANSAPI, de Jérémie SICSIC (Unow) et de Catherine Mongenet (plateforme France Université Numérique).

En attendant la vidéo, voici la transcription approximative (mes notes) de cette intervention :

J’ai pas envie de vous parler d’ėducation, j’ai envie de vous parler de politique, je sais que c’est pas a la mode, ca ennuie tout le monde, mais c’est tres important pourtant, fondamental

J’ai envie de vous parler d’émancipation, de classes sociales, d’exclusion, de justice et de pouvoir

C’est ce qui m’a toujours passionné : Anonymous, la digitalisation des ONG, l’entrepreneuriat social numérique…

Et je commence par une question : a votre avis peut on faire une démocratie et peut on faire société avec une une majorité d’illettrés ?

L’histoire, la philosophie et les sciences politiques répondent non, c’est assez clair ça

mais alors, dans une société numérique, ou les machines, les réseaux et les données sont partout : peut on être un citoyen, un acteur et avoir la pleine maîtrise de son destin et de son environnement si on ne comprend rien au numérique, si on est un illettré du numérique ?

On appelle ça l’illectronisme et on parle de problèmes de littératie digitale pour décrire l’analphabétisme du numérique, l’incapacité à se servir d’un ordinateur, d’Internet, de comprendre, chercher, critiquer les informations et les usages qui sont liés au numérique,

et on désigne souvent les mêmes populations quand on parle de ça : celles qui sont « éloignées du numérique » => pays, territoire et classes sociales déconnectées, migrants, sdf, zones rurales, décrocheurs, chômeurs, femmes seules élevant des enfants, seniors…

c’est vrai que c’est un problème pour eux…

mais ça ne l’est pas seulement pour ces personnes exclues, marginales ou défavorisées, c’est vrai pour tout le monde, pour la majorité des gens en fait

même ici je dirais assez facilement qu’il y a une majorité d’illettrés du numérique, comme il y en a une majorité dans la classe politique, dans les élites économiques, chez les cadres dirigeants, des les écoles de commerce… et autant à paris qu’en province… autant chez les riches que chez les pauvres…

pourquoi ce constat un peu dur ?

parce que la véritable littératie numérique, la plus préoccupante pour moi, ce n’est pas celle qui prive d’accès à Internet, celle ci est terrible, ni celle qui prive des usages car celle là est handicapante : c’est celle de la compréhension critique, de la distanciation de posture par rapport au numérique

Celle qui touche au coeur de ce que sont les machines, le numérique, la langue des ordinateurs, des téléphones, maintenant des voitures, des objets connectés, celle qui permet de comprendre la technologie dans ce qu’elle a de non technologique, de culturel, de politique surtout

celle qui a fait dire à un américain une phrase très violente, mais tellement vraie : dans la vie il faut choisir entre programmer, ou être programmés

J’appelle illettré du numérique toute personne qui ne s’est pas transformé radicalement dans sa pratique numérique d’une posture d’utilisateur, de consommateur en une pratique d’acteur, de contrôle des machines, des enjeux qui les traversent…

c’est pour cela que j’ai cofondé simplon, une école qui forme gratuitement des personnes éloignées du numérique, défavorisées ou sous représentées dans le numérique, une ecole qui permet a ceux qui en ont le plus besoin les pouvoirs magiques de la technologie, une école qui forme des enfants, des chômeurs et des allocataires du RSA, des filles, des cadres dirigeants à la programmation informatique

et c’est pour ça que j’ai écrit « lire, écrire, compter, coder » chez FYP en juin dernier, parce que c’est très important

Bien entendu il ne s’agit pas de devenir tous développeurs, tous informaticiens mais de comprendre, de renverser l’asymétrie entre ce que beaucoup considèrent comme des boites magiques ou « du virtuel » ou « le mal » ou « la solution à tout », et nous, moi, vous, tout le monde

Car il n’y a aucune barrière entre nous et les machines, pas plus qu’il n’y a de barrière de langue entre nous et une personne d’un autre pays, encore moins même car ce ne sont pas des gens les machines, les réseaux : ce sont des outils qui nous obéissent, que l’on peut programmer… pas le contraire… et c’est pas un truc réservés aux scientifiques, ça n’est pas qu’une science, c’est un art, un artisanat, un loisirs, une compétence…

Je connais des boulangers développeurs, des hacker qui ne codent pas mais qui hacker l’éducation, l’administration, la cuisine…

Apprendre la langue des machines ce n’est pas non plus seulement pour trouver du travail, pour remplir les troupes des startups pour rivaliser avec la silicon valley que vous devez apprendre à coder, comprendre la pensée computationnelle, l’algorithmique, la programmation, la fabrication numérique, l’électronique, la robotique… et tous les usages créatifs du numérique

Non ça n’est pas pour ça

c’est parce que c’est un levier formidable d’émancipation individuelle, cela permet de reprendre la main sur sa vie, son destin, sa carrière, de démultiplier ses passions, de s’ouvrir d’avantage sur le monde, de mieux comprendre comment il fonctionne, comment le changer, le hacker…

d’autres le font avec le sport, la cuisine, le travail qui est émancipateur mais le code a des choses en plus : c’est un levier d’émancipation collective, de citoyenneté et de souveraineté, d’inclusion donc il faut qu’il soit étendu à tous les pans de la société, que tout le monde comprenne qu’il faut programmer ou comprendre la programmation, ou être programmés

mais comment on démocratise tout ça ?

par le périscolaire : publics enfants, par la formation pour réduire la fracture chez les salariés

par des dispositifs spécifiques pour les chômeurs/quartiers/ruralité/diasporas/migrants/SDF et simplon essaime partout et il y a aussi 42, la Webacademie aussi, les voyageurs du code et les petits debrouillards

C’est important de programmer aussi pour les femmes, surtout, car ça c’est encore tabou dans les métiers techniques du numérique, la mixité, la parité et la promotion du code chez les femmes reste encore largement à faire

on y travaille particulièrement à simplon, avec 50% de femmes dans nos promos, on est pas seuls a defendre la mixite et la parité, mais ce n’est pas la priorité de tous, c’est dommage…

les problèmes que nous rencontrons sont nombreux et les ennemis pas toujours où on les attend :

qui fait la démocratisation ?

les informaticiens ?

non, ce sont nos ennemis, ils veulent sanctuariser l’informatique comme une discipline, une aristocratie, dire que ça appartient aux sciences alors que c’est aussi un art, un loisirs, un artisanat…

qui décide de la démocratisation ?

Nos elites débordées/dépassées, les industriels qui veulent de la chair à startup ou les SSII ?

non, c’est à nous, et à nous seul de décider, de vouloir savoir lire, écrire, compter, coder

qui paye ? quel business modèle ?

beaucoup de modèles sont gratuits, ils demandent une motivation forte et il faut qu’ils soient de qualité

d’autres sont payants mais ne sont pas ouverts à tous, c’est dommage

Alors et vous ?

Vous voulez programmer ou être programmés ?

Apprenez à coder, emmenez y vos enfants, parlez en autour de vous…

Merci

Retour au pays des hackers

J’avais pourtant dit que je m’en mêlerais plus (voir ici) mais j’ai pas pu résister, et pour de bonnes raisons 😉

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D’abord parce que c’était à la Bellevilloise et que c’est un endroit super, que je connaissais pas (c’est là que je vois que je vieilli et que je suis devenu ringard), mais surtout parce que c’était pour des gens super et en premier lieu Flo (Laval) le réalisateur du documentaire « Les Gardiens du Nouveau Monde » sur l’hacktivisme et dans lequel je figure à deux moments différents :

  • d’abord à titre « perso » car c’était au moment où j’ai co-organisé avec RSF, Télécomix et la FIDH la venue de Richard Stallman à Paris il y a quelques années, le M. avait même dormi chez moi pendant 3 jours et je l’avais baladé de rédactions en rédactions pour qu’il égrène sa propagande libriste et anti-logiciels privateurs…
  • ensuite au nom de Simplon.co que Flo a bien voulu représenter dans le film en tant que lieu qui a accueilli (et qui continuera d’accueillir) des « cafés vie privée » poursensibiliser et outiller le grand public en matière de sécurité et de protection de sa vie privée sur Internet, mais aussi parce que Simplon est une initiative visant à démocratiser la programmation informatique, son appropriation par tous et au bénéfice d’une plus grande citoyenneté et souveraineté technologiques (je l’en remercie d’ailleurs), donc on est en plein dans le sujet !

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Mais aussi parce que ça m’a permis de boucler la boucle avec ce milieu qui m’a fasciné et dans lequel j’ai rencontré des gens extraordinaires qui m’ont fait progressé intellectuellement et politiquement, certains étaient là (Amaëlle, Okhin…), d’autres pas (Nico) et d’autres que j’ai découvert plus tard mais qui tournent aussi autour des problématiques d’inclusion, de droits de l’homme et de droits civiques numériques (Jean Baptiste, Sylvain…).

Ca m’a replongé dans ces années folles où j’ai assisté, contribué, permis, anticipé, avec mon complice Nicolas Danet, à la jonction entre les ONG et les hacktivistes, à l’explosion du phénomène Anonymous en France et à des débats structurants qui ne sont pas terminés (lire l’article d’Okhin sur le sujet) sur la vocation de l’hacktivisme, son rapport au grand public, sa responsabilité, la question du genre dans l’informatique et l’hacktivisme…

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Et c’est vrai que ce documentaire de Flo, et bien au delà d’en être un acteur, j’en ai été un initiateur, avec Nico D., donc ça m’a fait bien plaisir de soutenir ce film, et son réalisateur, et de retrouver le petit landerneau.

Mais ça, c’était avant…

Me, myself and I dans Croire

C’était un bel entretien, le résultat est fidèle à ce que je suis et à ma cohérence dans la contradiction.
Pour redémarrer ce blog, c’est une bonne base 😉

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attention les yeux…

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Bon bah voilà, après une longue absence, une longue hésitation sur le canal (Medium ou pas, etc.), je reviens à mon bon vieux blog WordPress que j’avais délaissé après l’avoir ouvert car j’étais frustré d’avoir délaissé mon Typepad que j’avais délaissé après avoir blogué dessus des années…

Et pourtant il s’en est passé des choses…
Fini LIMITE, vive Simplon.co, Les Compagnons du DEV et Kids Coding Club aussi…

Ecrire en ligne pour moi c’est un défouloir, un moyen de réfléchir à plusieurs en live et d’aborder des sujets personnels ou professionnels mais de mon point de vue à moi (qui n’engage pas Simplon.co)…

Et c’est pas les problématiques qui manquent donc c’est reparti !

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Mieux que le conseil digital : le e-lean management

Suite au dernier article sur le darwinisme et l’effet Dunning-Kruger dans le digital, je continue un peu à enfoncer le coin, et de tenter de montrer que plus on parle de digital, moins on en fait (bien). C’est vrai pour les agences (qui n’ont que ce mot à la bouche mais ne maitrise pas les choses) et les annonceurs (qui disent qu’ils gèrent mais en fait non) : les apprentis sorciers sont partout ! Apprenons un peu à les reconnaître, démasquons-les et recardons un peu les investissements et les priorités.

Je répète à l’envie qu’une « stratégie digitale » ça n’existe pas, que les « internautes » ça n’existe plus et que plus on remet du IRL (ou du AFK pour les puristes) dans le online, plus on a de résultats et moins on écoute les experts auto-proclamés. Car qu’on croit pouvoir dominer les choses en « internalisant le community management » ou qu’on se place sur le piédestal fragile de la posture du « conseil digital », on prend le même risque mais pas du même côté. On ne filialise par le digital, ni en embauchant un community manager, ni en sous traitant à un prestataire son webmarketing, ni en considérant que sa communication doit avoir un « volet digital » (sic) car dans tous ces cas les KPI resteront digitaux et donc de l’ordre de l’auto-évaluation, ce qui n’est jamais très sain (juge et partie, toussa).

Donc pour éviter le syndrome du département communication ou marketing qui intègre un CM à son budget, et un « volet digital » à son plan annuel, autant que l’agence qui va proposer, au pire, une stratégie classique avec un déclinaison digitale, ou, au mieux, un dispositif « digital natif » (ou « buzz »), une seule solution : le lean management !

Hein, ce truc barbare issu du marketing ou de l’industrie, ou de l’informatique ? Bah oui, de même que l’agilité comme méthodologie de développement pour éviter les effets tunnels et les projets qui ne sortent jamais, ou dans des configurations déjà dépassées par les évolutions nées le temps de son déploiement, le lean management est à mon avis en cette période où tout le monde se gargarise de faire de la stratégie digitale, un prisme salutaire, voire une approche à substituer à tout autre forme de « conseil ».

Rappelons d’abord rapidement que le lean management se concentre sur tout ce qui créé de la valeur pour l’utilisateur, le client, le public et qu’il tend à éliminer tout le reste. Quoi ? Oui, vous avez bien lu. TOUT le reste ça dégage : TOUT. C’est du Toyota donc ça rigole pas mais en même temps c’est vrai que si on enlève :
– les effets de manches des experts, les « buzz-words » et les modes (« tu es pas encore sur Pinterest coco ? » des agences et des consultants (qui ne sont pas les payeurs on le sait, au contraire, ils sont indexés aux dépenses recommandées)
– les coûts et implications de l’égo-nombrilisme (« on est sur Facebook » ou « tu nous trouveras sur l’App Store » ou « on a gamifié un peu notre stratégie »), le la ré-assurance (la sécurité, le ROI, le grégarisme) et des « croyances » des responsables des investissements et des recrutements digitaux des annonceurs

Et bien que reste-t’il ?

Des initiatives isolées, sans lien entre elles, sans ROI, déconnectées de ce qu’est vraiment l’organisation, de sa stratégie sur les autres canaux : donc au final il reste rien SAUF tout l’argent et l’énergie dépensés pour tout ça. Car éliminer les gaspillages qui nuisent à l’efficacité et à la performance GLOBALE (pas digitale) d’une structure, et bien c’est ça le rôle d’un manager ou d’un consultant, et ça n’est pas en calculant le ROI de Facebook, en cherchant à augmenter son nombre de visiteurs uniques ou de fans/followers qu’on fait vraiment son job, au contraire.

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C’est là que la métaphore du lean management – bah oui je ne disais pas ça au pied de la lettre (quoique) – est puissante puisqu’elle vise en entreprise à réduire :
– la surproduction => digitalement : trop de contenus, trop de temps et d’énergie dépensés pour les contenus au détriment de leur valorisation et du trafic/des conversions apportés)
– les délais d’attente => no comment là dessus, c’est évident que les processus de décision, de production, de correction, d’évolution et de réaction digitales ne sont pas adaptés car ils émanent de personnes et de schémas mentaux issus directement des métiers traditionnels du marketing et de la communication, voir des SI
– la manutention et le transport superflus, ou les traitements inadéquats => là c’est une image, mais éclairante, des allers retours et du temps perdu à traiter de l’information et à la mettre en ligne
– les stocks inutiles : là aussi n’importe quel webmaster, CM ou webmarketeur vous dira qu’il voit très bien où on peut économiser du temps, de l’argent, de l’énergie, du budget…
– les défauts de fabrication et les erreurs => au-delà du débugage et de l’amélioration continue, c’est bien de la logique de BETA, du test & learn et du « fail fast fail smart » qu’il s’agit au global

Si la valeur pour le public final – le client pour une entreprise (ou l’actionnaire), le bénéficiaire (ou le donateur/fondateur) pour une association – est le seul KPI mesuré et pris en compte : tout s’éclaire… L’efficacité, les objectifs, les règles du jeu, les priorités sont plus évidentes et il n’y a plus qu’à se mettre au boulot. Finis les lubies, les convictions ou les « parti-pris » des managers ou des agences !

On cite souvent un américain (John Wanamaker) comme ayant déclaré la formule suivante restée célèbre pour définir la communication : « Je sais que la moitié de mon budget marketing/publicitaire ne sert à rien, mais je ne sais pas quelle moitié« . Et bien en matière digitale, non seulement on sait quelle est la moitié qui sert à rien, car tout est traçable et objectivable (vraiment je veux dire, pas du GRP ou des occasions de voir, ou du CPM), mais en plus on sait que la moitié qui est dépensée en pure perte est celle qui découle des recommandations « stratégiques » d’agences ou des « bons plaisirs » des managers qui se piquent de savoir comment gérer des projets digitaux.

La bonne nouvelle c’est donc qu’on sait quoi éliminer, où sont les gaspillages et comment améliorer l’efficacité et la performance des organisations avec le digital, et comment optimiser les investissements digitaux.

Ouf non !?

Darwinisme et effet Dunning-Kruger du digital

Encore des mots compliqués, mais toujours la même idée : le digital c’est spécial mais ça devrait pas 😉

Brians Solis a souvent l’habitude de nous re-dire à l’envie que le digital est darwniniste/darwinien en ce sens – évolutionniste et de la sélection naturelle – qu’il fait le tri, non pas entre les forts et les faibles, mais entre ceux qui s’adaptent vite et bien, et ceux qui ne le font pas, et qui ont donc vocation à… disparaitre !

Je suis assez d’accord avec cette vision car elle cadre bien avec l’idée que je développe depuis des années auprès des annonceurs et selon laquelle la maitrise d’Internet comprend intrinsèquement un « pouvoir égalisateur » – comme on l’a dit de l’arme nucléaire – et permet aux organisations de tirer leur épingle du jeu, voire de bénéficier d’effet de levier, sans que leur taille et leur budget soient des éléments sur-déterminants, ce qui est le cas en publicité et en marketing « classiques ».

On peut appliquer au digital d’autres grilles cognitives ou théories sociales, et mêmes biologiques ou physiques (rhizome, capillarité, etc.) et dans cette même veine je suis tombé, en révisant des flashcards sur les biais cognitifs (merci Andréi et Erwan pour m’avoir fait découvrir Anki), que l’effet Dunning-Kruger.

J’aimais déjà le principe de Peter – qui veut que dans un système hiérarchique « tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence » – et son corollaire logique qui établit donc qu’ « Avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d’en assumer la responsabilité. » Appliqué au digital c’est très utile pour appréhender la manière dont les décisions impactant la stratégie digitale sont prise, par des gens qui sont en plein « principe + corollaire de Peter » mais qu’Internet rend « encore plus incompétent » car générationnellement, en terme d’usage ou pour des raisons idéologiques, de politique interne ou encore d’égo. Mais l’effet Dunning-Kruger, c’est encore mieux car cela fait toucher du doigt une autre réalité pourtant bien tangible et quotidienne que tous les consultants digitaux connaissent bien.

L’effet Dunning-Kruger décrit un phénomène selon lequel les moins compétents dans un domaine surestiment leur compétence alors que les plus compétents auraient tendance à sous-estimer leur niveau de compétence. J’en ai déjà parlé ici en évoquant le fait que le digital – parce qu’il évolue vite et qu’il est protéiforme, composé de plusieurs couches de métiers différentes et interdépendants – rend forcément humble mais le phénomène démontré par Dunning & Kruger et publié en décembre 1999 dans la revue Journal of Personality and Social Psychology, va encore plus loin.

Effet Dunning-Kruger

Dunning et Kruger se sont basé sur Darwin, encore lui, qui avait noté que « l’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance » mais ils sont allés au-delà en élaborant – après expérimentation sur des étudiants – les hypothèses suivantes selon les niveaux de compétences objectives sur un sujet :

  • la personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence => ça on en a tous été les témoins et c’est particulièrement vrai dans le domaine du digital où soit la personne s’auto-flagelle et se dédouane de tout avis en se décalarant ignorante et donc incompétente, soit quelques maigres notions et/ou compétences génèrent une confiance excessive sur des sujets qui débordent largement la compétence initiale de la personne
  • la personne incompétente ne parvient pas à reconnaître la compétence dans ceux qui la possèdent véritablement => là aussi c’est véritablement quelque chose de quotidien, où c’est quelqu’un dont ce n’est pas la métier ou qui n’a pas démontré de compétences particulières et objectivement vérifiables, qui va contredire, décider ou empêcher la mise en place d’une action légitime et justifiée, en invoquant d’autres raisons (budgétaires, politiques… mais parfois techniques ou de « sécurité » pour les DSI), voire des « croyances » (« personnellement je n’y crois pas, je pense que ça ne marchera pas, que ce n’est pas ce qu’il faut faire »)
  • la personne incompétente ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompétence => là encore, comment le pourrait elle ? mais ce qu’elle peut faire c’est, dans le doute, s’en remettre à des gens dont c’est la profession, qui sanctionnent d’une expérience spécifique dans le domaine concerné…

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La conclusion de ces travaux est sans appel et résume bien tout l’enjeu à la fois du métier de consultant digital et de l’importance de la formation et de la conduite du changement dans les organisations qui veulent intégrer le digital au coeur de leurs stratégies : seul un entraînement de ces personnes mène à une amélioration significative de leur compétence, elles pourront alors reconnaître et accepter leurs lacunes antérieures.

Sous réserve que la bonne foi, la volonté d’apprendre et de reconnaitre ses erreurs et surtout que la confiance en l’avis de quelqu’un d’informé et e compétent puisse permettre de dépasser ce biais cognitif largement répandu, c’est effectivement la meilleur chose qui puisse arriver quand on est en prise avec un « effet Dunning-Kruger ».

On y croit 😉

Ethnocentrisme de l’Internet ou l’histoire de Makmende le « Chuck Norris mème » kenyan

C’est en visionnant une passionnante conférence TED (pléonasme, je sais) de Mark Graham sur la géographie de l’Internet que j’ai découvert Makmende, le premier mème kenyan/africain de l’histoire de l’Internet.

Makmende
Au départ c’est l’histoire d’une vidéo “trailer” du groupe afropop kenyan “Just a Band” qui dépasse les 500.000 vues en mettant en scène un personnage “très méchant” tout droit sorti de l’univers de Shaft et des films sur la “blaxploitation”.

Son nom – Makmende Amerudi – est probablement issu de la fusion entre un mot désignant quelqu’un qui se prend pour un super héros et le “Make My Day” de Clint Eastwood dans l’Inspecteur Harry.

Makmende
Véritable buzz au Kenya puis en Afrique, Makmende se réplique comme un mème sur le modèle des Chuck Norris Facts (un florilège est compilé dans cet article des Observateurs France24). Le phénomène Makmende a donc sa page Facebook et sur Twitter aussi via le mot-dièse #makmende.

Le Wall Street Journal, CNN et GQ en parlent mais c’est sur Wikipédia que les choses deviennent plus difficiles puisqu’au départ, il est impossible aux fans de Makmende d’ouvrir une page dédiée à ce mème africain considéré comme anecdotique (voir l’article “Makmende’s so huge, he can’t fit in Wikipedia” d’Ethan Zuckerman en mars 2010).

Makmende

Désormais pleinement intégré dans la culture Internet, et sur Wikipédia, Makmende peut poursuivre sa vie de mème tranquille sur la toile, je vous laisse visionner la vidéo qui a tout déclenché :

Comme quoi, Internet c’est un village pas si global que ça où ce sont les normes et les cultures occidentales qui priment au niveau international, à de rares exceptions – dont dernière et Sud Coréenne vidéo viral de Psy « Gangnam Style », et où les Internets chinois, indiens et encore plus africains restent localisés à leur territoires.

Dommage pour nous car on y perd en créativité !