Une newsletter (en anglais) entièrement dédiée à l’IA for good, soutenable et responsable ?!?

Oui, tout à fait, même que c’est là que ça se passe : https://fredbardeau.substack.com/

Faut dire que le sujet est d’actualité et d’importance (cf ci-dessous) :

Et comme il se trouve que je fais un travail de veille et de curation sur ces sujets importants en parallèle de ma montée en compétences sur l’intelligence artificielle en général, le machine/le deep et le reinforcement learning, les IA génératives et les LLMs… et que « Sharing Is Caring », je vous signale ma newsletter (en anglais) sur l’intelligence artificielle responsable et ses cas d’usages « for good ».

https://fredbardeau.substack.com/

Peur de l’Intelligence Artificielle Générale : prophétie auto-réalisatrice ou inquiétude infondée qui fait diversion ?

(no spoiler) Dans le dernier volet de la franchise Mission Impossible 7, « Dead Reckoning. Part I », Tom Cruise affronte une intelligence artificielle générale (AGI) toute puissante, connue sous le nom d' »Entité ». Cette IA, capable de s’introduire dans n’importe quelle installation sécurisée, de manipuler la réalité numérique et d’être plus maligne que les humains, incarne un trope courant dans la science-fiction : l’IA malveillante qui domine le monde. Mais cette crainte de l’AGI est-elle une prophétie auto-réalisatrice ou une peur irrationnelle qui empêche de voir les véritables problèmes qui sont devant nous ici et maintenant ?

Le premier point à prendre en compte est le calendrier de développement de l’AGI. Malgré les progrès rapides de l’IA, la plupart des experts s’accordent à dire que l’AGI, un système d’IA doté de capacités cognitives semblables à celles de l’homme, n’existera pas avant 2050, voire n’existera jamais. Si l’IA a fait des progrès considérables, la complexité et la profondeur de l’intelligence humaine restent inégalées. La peur de l’AGI, telle qu’elle est décrite dans des films comme « Dead Reckoning », ne tient souvent pas compte de cette réalité mais c’est la norme actuellement notamment aux US où même les figures les plus proéminentes de la discipline ou du business de l’IA l’encouragent. Sam Altman, PDG d’OpenAI, a ainsi exprimé ses inquiétudes au sujet de l’AGI, déclarant qu’elle pourrait conduire à « l’extinction de l’humanité » si elle n’était pas gérée correctement. Toutefois, ce point de vue n’est pas universellement partagé par les chercheurs en IA. Nombreux sont ceux qui estiment que l’accent mis sur l’AGI est prématuré et détourne l’attention des défis plus immédiats et plus tangibles posés par l’IA restreinte, tels que la sécurité, l’explicabilité, les préjugés et la garantie d’une utilisation bénéfique de l’IA.

La croyance en l’AGI renforce souvent le préjugé ultime selon lequel les humains se croient inférieurs aux machines. Cette perspective peut conduire à une prophétie auto-réalisatrice dans laquelle nous abandonnons le contrôle aux machines, en supposant qu’elles sont supérieures. Cependant, il est essentiel de se rappeler que nous créons et contrôlons ces outils pour nos besoins. L’image de l’AGI opposée à l’humanité est très répandue, mais il existe de nombreux autres récits dans lesquels l’IA et l’homme travaillent ensemble pour leur bénéfice mutuel. Ce préjugé est savamment entretenu par les « technologues » et les vendeurs de technologie pour des raisons évidentes mais elle parle également au grand public qui fait souvent sienne la citation d’Arthur C Clarck : « Toute technologie suffisamment avancée ne peut être distinguée de la magie. » Hors il n’en est rien. Tout le travail qu’on fait à Simplon va contre cette idée et cette vision : des enfants en primaire, au collège ou au lycée à nos apprenant-es en passant par les salariés que nous up/reskillons, nous avons inlassablement le même discours démystificateur, vulgarisateur et terre-à-terre : ce sont des outils géniaux mais ça reste des outils, nous les avons créées, nous les utilisons, ils doivent rester en notre contrôle, pas de magie là dedans, regardons sous le capot et codons, fablabons, créeons, déconstruisons, etc.

Midjourney « artificial general intelligence for good –s 50 –v 5.2 »

Car l’enjeu est grave et ce n’est pas l’AGI ou « l’Entité » : c’est que la peur de l’AGI nous empêche de nous concentrer sur les vrais problèmes liés à l’IA. Des questions telles que la sécurité, l’explicabilité et les biais, la sécurité et la confidentialité et le respect de la vie privée, les usages inutiles ou toxiques, l’alignement des IA avec les valeurs et droits universels humains sont des préoccupations urgentes qui requièrent une attention et une action immédiates. Par exemple, comment garantir que les systèmes d’IA sont à l’abri des attaques malveillantes ? Comment rendre les décisions de l’IA compréhensibles pour les humains et en adéquation avec les Objectifs du Développement Durable des Nations Unies ? Comment éliminer les préjugés dans les systèmes d’IA ? Telles sont les questions que nous devrions poser et auxquelles nous devrions répondre au lieu de fantasmer sur l’AGI et nous devrions nous concentrer sur le fait de promouvoir l’utilisation de l’IA for good. L’IA a le potentiel de résoudre certains des problèmes les plus urgents du monde, du changement climatique aux soins de santé en passant par l’éducation. Toutefois, ce potentiel ne peut être réalisé que si nous nous concentrons sur le développement et le déploiement de l’IA de manière responsable.

Bien que l’IA constitue un méchant convaincant dans des films tels que « Dead Reckoning », il est important de ne pas laisser ces récits fictifs obscurcir notre jugement. Nous devons nous rappeler que l’IA est un outil créé par les humains, pour les humains. Alors que nous continuons à faire progresser la technologie de l’IA, restons dans le siège du conducteur et encourageons les multiples « IA centaures » où le contrôle reste humain versus une IA « minotaure » où c’est l’élément non-humain qui dirige un corps humain.

L’avenir de l’IA est entre nos mains et il doit le rester for ever.

Non ?

Lire, écrire, compter, coder (FYP Editions)


MISE A JOUR septembre-octobre 2015

Le Président de la République en lançant la démarche « Grande Ecole du numérique » :

//platform.twitter.com/widgets.jset la Ministre de l’Education en lançant la Code Week France 

//platform.twitter.com/widgets.js

ont repris le titre de notre ouvrage en forme de clin d’oeil, démontrant ainsi que la bascule institutionnelle sur la question de la généralisation de l’apprentissage d ela programmation informatique est belle et bien faite !


Je me rends compte que j’ai même pas publié de post sur mon dernier livre, toujours co-écrit avec mon complice Nicolas Danet (comme Anonymous fin 2011), qui traite de la question de la démocratisation de l’apprentissage de la programmation informatique.

PlatCouv-LECCoder_couv Stimulo

Passer de l’autre côté de l’écran en apprenant la langue des machines (ordinateurs, téléphones, robots, électronique, objets connectés…), c’est arrêter d’être un utilisateur et pouvoir enfin reprendre la main, créer et renverser l’asymétrie et le rapport de force avec la technologie, la contrôler. Tout ça va donc beaucoup plus loin que de se doter d’une compétence très recherchée sur le marché du travail ou de pouvoir « monter une startup », il en va de notre souveraineté, de notre citoyenneté et de notre émancipation (voir ici).

Dans cet ouvrage tous publics, Nicolas et moi reprenons les choses à la base – qu’est ce que la programmation ? pourquoi est-ce si important ? pourquoi veut on que nos enfants en fasse à l’école ? pourquoi plusieurs pays l’ont déjà mis en place ? – et proposons une description des enjeux et des méthodes qui permettent de mieux comprendre, et d’apprendre ce « latin du XXIème siècle », de s’amuser en « codant » et de créer des choses utiles, drôles ou rentables avec ce savoir faire accessible à tous.

MOOCS, écoles, ateliers pour enfants : il existe plein de moyens de découvrir et d’agir créativement avec le numérique. Un livre à mettre entre toutes les mains : éducateurs, médiateurs et animateurs, parents, ados, demandeurs d’emplois, startupers ,professionnels et citoyens voulant en savoir un peu plus sur le monde numérique qui nous entoure.

On en parle (critiques, compte rendus de lecture…) sur :

 

Wikistage sur la révolution de l’éducation

C’était hier soir, à l’ESCP à l’initiative de « YESS, You & ESS » et c’était génial.

yess

Je suis intervenu en format Wikistage (9 minutes) sur le thème de la révolution dans l’éducation aux côtés de Jean Marc Tasseto (ex patron de SFR et de Google France), d’Olivier Crouzet le pédagogue de l’école 42, de François Taddéi notre gourou national et patron du très innovant CRI, de Muriel Epstein la dynamique représentante de TRANSAPI, de Jérémie SICSIC (Unow) et de Catherine Mongenet (plateforme France Université Numérique).

En attendant la vidéo, voici la transcription approximative (mes notes) de cette intervention :

J’ai pas envie de vous parler d’ėducation, j’ai envie de vous parler de politique, je sais que c’est pas a la mode, ca ennuie tout le monde, mais c’est tres important pourtant, fondamental

J’ai envie de vous parler d’émancipation, de classes sociales, d’exclusion, de justice et de pouvoir

C’est ce qui m’a toujours passionné : Anonymous, la digitalisation des ONG, l’entrepreneuriat social numérique…

Et je commence par une question : a votre avis peut on faire une démocratie et peut on faire société avec une une majorité d’illettrés ?

L’histoire, la philosophie et les sciences politiques répondent non, c’est assez clair ça

mais alors, dans une société numérique, ou les machines, les réseaux et les données sont partout : peut on être un citoyen, un acteur et avoir la pleine maîtrise de son destin et de son environnement si on ne comprend rien au numérique, si on est un illettré du numérique ?

On appelle ça l’illectronisme et on parle de problèmes de littératie digitale pour décrire l’analphabétisme du numérique, l’incapacité à se servir d’un ordinateur, d’Internet, de comprendre, chercher, critiquer les informations et les usages qui sont liés au numérique,

et on désigne souvent les mêmes populations quand on parle de ça : celles qui sont « éloignées du numérique » => pays, territoire et classes sociales déconnectées, migrants, sdf, zones rurales, décrocheurs, chômeurs, femmes seules élevant des enfants, seniors…

c’est vrai que c’est un problème pour eux…

mais ça ne l’est pas seulement pour ces personnes exclues, marginales ou défavorisées, c’est vrai pour tout le monde, pour la majorité des gens en fait

même ici je dirais assez facilement qu’il y a une majorité d’illettrés du numérique, comme il y en a une majorité dans la classe politique, dans les élites économiques, chez les cadres dirigeants, des les écoles de commerce… et autant à paris qu’en province… autant chez les riches que chez les pauvres…

pourquoi ce constat un peu dur ?

parce que la véritable littératie numérique, la plus préoccupante pour moi, ce n’est pas celle qui prive d’accès à Internet, celle ci est terrible, ni celle qui prive des usages car celle là est handicapante : c’est celle de la compréhension critique, de la distanciation de posture par rapport au numérique

Celle qui touche au coeur de ce que sont les machines, le numérique, la langue des ordinateurs, des téléphones, maintenant des voitures, des objets connectés, celle qui permet de comprendre la technologie dans ce qu’elle a de non technologique, de culturel, de politique surtout

celle qui a fait dire à un américain une phrase très violente, mais tellement vraie : dans la vie il faut choisir entre programmer, ou être programmés

J’appelle illettré du numérique toute personne qui ne s’est pas transformé radicalement dans sa pratique numérique d’une posture d’utilisateur, de consommateur en une pratique d’acteur, de contrôle des machines, des enjeux qui les traversent…

c’est pour cela que j’ai cofondé simplon, une école qui forme gratuitement des personnes éloignées du numérique, défavorisées ou sous représentées dans le numérique, une ecole qui permet a ceux qui en ont le plus besoin les pouvoirs magiques de la technologie, une école qui forme des enfants, des chômeurs et des allocataires du RSA, des filles, des cadres dirigeants à la programmation informatique

et c’est pour ça que j’ai écrit « lire, écrire, compter, coder » chez FYP en juin dernier, parce que c’est très important

Bien entendu il ne s’agit pas de devenir tous développeurs, tous informaticiens mais de comprendre, de renverser l’asymétrie entre ce que beaucoup considèrent comme des boites magiques ou « du virtuel » ou « le mal » ou « la solution à tout », et nous, moi, vous, tout le monde

Car il n’y a aucune barrière entre nous et les machines, pas plus qu’il n’y a de barrière de langue entre nous et une personne d’un autre pays, encore moins même car ce ne sont pas des gens les machines, les réseaux : ce sont des outils qui nous obéissent, que l’on peut programmer… pas le contraire… et c’est pas un truc réservés aux scientifiques, ça n’est pas qu’une science, c’est un art, un artisanat, un loisirs, une compétence…

Je connais des boulangers développeurs, des hacker qui ne codent pas mais qui hacker l’éducation, l’administration, la cuisine…

Apprendre la langue des machines ce n’est pas non plus seulement pour trouver du travail, pour remplir les troupes des startups pour rivaliser avec la silicon valley que vous devez apprendre à coder, comprendre la pensée computationnelle, l’algorithmique, la programmation, la fabrication numérique, l’électronique, la robotique… et tous les usages créatifs du numérique

Non ça n’est pas pour ça

c’est parce que c’est un levier formidable d’émancipation individuelle, cela permet de reprendre la main sur sa vie, son destin, sa carrière, de démultiplier ses passions, de s’ouvrir d’avantage sur le monde, de mieux comprendre comment il fonctionne, comment le changer, le hacker…

d’autres le font avec le sport, la cuisine, le travail qui est émancipateur mais le code a des choses en plus : c’est un levier d’émancipation collective, de citoyenneté et de souveraineté, d’inclusion donc il faut qu’il soit étendu à tous les pans de la société, que tout le monde comprenne qu’il faut programmer ou comprendre la programmation, ou être programmés

mais comment on démocratise tout ça ?

par le périscolaire : publics enfants, par la formation pour réduire la fracture chez les salariés

par des dispositifs spécifiques pour les chômeurs/quartiers/ruralité/diasporas/migrants/SDF et simplon essaime partout et il y a aussi 42, la Webacademie aussi, les voyageurs du code et les petits debrouillards

C’est important de programmer aussi pour les femmes, surtout, car ça c’est encore tabou dans les métiers techniques du numérique, la mixité, la parité et la promotion du code chez les femmes reste encore largement à faire

on y travaille particulièrement à simplon, avec 50% de femmes dans nos promos, on est pas seuls a defendre la mixite et la parité, mais ce n’est pas la priorité de tous, c’est dommage…

les problèmes que nous rencontrons sont nombreux et les ennemis pas toujours où on les attend :

qui fait la démocratisation ?

les informaticiens ?

non, ce sont nos ennemis, ils veulent sanctuariser l’informatique comme une discipline, une aristocratie, dire que ça appartient aux sciences alors que c’est aussi un art, un loisirs, un artisanat…

qui décide de la démocratisation ?

Nos elites débordées/dépassées, les industriels qui veulent de la chair à startup ou les SSII ?

non, c’est à nous, et à nous seul de décider, de vouloir savoir lire, écrire, compter, coder

qui paye ? quel business modèle ?

beaucoup de modèles sont gratuits, ils demandent une motivation forte et il faut qu’ils soient de qualité

d’autres sont payants mais ne sont pas ouverts à tous, c’est dommage

Alors et vous ?

Vous voulez programmer ou être programmés ?

Apprenez à coder, emmenez y vos enfants, parlez en autour de vous…

Merci

Mieux que le conseil digital : le e-lean management

Suite au dernier article sur le darwinisme et l’effet Dunning-Kruger dans le digital, je continue un peu à enfoncer le coin, et de tenter de montrer que plus on parle de digital, moins on en fait (bien). C’est vrai pour les agences (qui n’ont que ce mot à la bouche mais ne maitrise pas les choses) et les annonceurs (qui disent qu’ils gèrent mais en fait non) : les apprentis sorciers sont partout ! Apprenons un peu à les reconnaître, démasquons-les et recardons un peu les investissements et les priorités.

Je répète à l’envie qu’une « stratégie digitale » ça n’existe pas, que les « internautes » ça n’existe plus et que plus on remet du IRL (ou du AFK pour les puristes) dans le online, plus on a de résultats et moins on écoute les experts auto-proclamés. Car qu’on croit pouvoir dominer les choses en « internalisant le community management » ou qu’on se place sur le piédestal fragile de la posture du « conseil digital », on prend le même risque mais pas du même côté. On ne filialise par le digital, ni en embauchant un community manager, ni en sous traitant à un prestataire son webmarketing, ni en considérant que sa communication doit avoir un « volet digital » (sic) car dans tous ces cas les KPI resteront digitaux et donc de l’ordre de l’auto-évaluation, ce qui n’est jamais très sain (juge et partie, toussa).

Donc pour éviter le syndrome du département communication ou marketing qui intègre un CM à son budget, et un « volet digital » à son plan annuel, autant que l’agence qui va proposer, au pire, une stratégie classique avec un déclinaison digitale, ou, au mieux, un dispositif « digital natif » (ou « buzz »), une seule solution : le lean management !

Hein, ce truc barbare issu du marketing ou de l’industrie, ou de l’informatique ? Bah oui, de même que l’agilité comme méthodologie de développement pour éviter les effets tunnels et les projets qui ne sortent jamais, ou dans des configurations déjà dépassées par les évolutions nées le temps de son déploiement, le lean management est à mon avis en cette période où tout le monde se gargarise de faire de la stratégie digitale, un prisme salutaire, voire une approche à substituer à tout autre forme de « conseil ».

Rappelons d’abord rapidement que le lean management se concentre sur tout ce qui créé de la valeur pour l’utilisateur, le client, le public et qu’il tend à éliminer tout le reste. Quoi ? Oui, vous avez bien lu. TOUT le reste ça dégage : TOUT. C’est du Toyota donc ça rigole pas mais en même temps c’est vrai que si on enlève :
– les effets de manches des experts, les « buzz-words » et les modes (« tu es pas encore sur Pinterest coco ? » des agences et des consultants (qui ne sont pas les payeurs on le sait, au contraire, ils sont indexés aux dépenses recommandées)
– les coûts et implications de l’égo-nombrilisme (« on est sur Facebook » ou « tu nous trouveras sur l’App Store » ou « on a gamifié un peu notre stratégie »), le la ré-assurance (la sécurité, le ROI, le grégarisme) et des « croyances » des responsables des investissements et des recrutements digitaux des annonceurs

Et bien que reste-t’il ?

Des initiatives isolées, sans lien entre elles, sans ROI, déconnectées de ce qu’est vraiment l’organisation, de sa stratégie sur les autres canaux : donc au final il reste rien SAUF tout l’argent et l’énergie dépensés pour tout ça. Car éliminer les gaspillages qui nuisent à l’efficacité et à la performance GLOBALE (pas digitale) d’une structure, et bien c’est ça le rôle d’un manager ou d’un consultant, et ça n’est pas en calculant le ROI de Facebook, en cherchant à augmenter son nombre de visiteurs uniques ou de fans/followers qu’on fait vraiment son job, au contraire.

Lean-process

C’est là que la métaphore du lean management – bah oui je ne disais pas ça au pied de la lettre (quoique) – est puissante puisqu’elle vise en entreprise à réduire :
– la surproduction => digitalement : trop de contenus, trop de temps et d’énergie dépensés pour les contenus au détriment de leur valorisation et du trafic/des conversions apportés)
– les délais d’attente => no comment là dessus, c’est évident que les processus de décision, de production, de correction, d’évolution et de réaction digitales ne sont pas adaptés car ils émanent de personnes et de schémas mentaux issus directement des métiers traditionnels du marketing et de la communication, voir des SI
– la manutention et le transport superflus, ou les traitements inadéquats => là c’est une image, mais éclairante, des allers retours et du temps perdu à traiter de l’information et à la mettre en ligne
– les stocks inutiles : là aussi n’importe quel webmaster, CM ou webmarketeur vous dira qu’il voit très bien où on peut économiser du temps, de l’argent, de l’énergie, du budget…
– les défauts de fabrication et les erreurs => au-delà du débugage et de l’amélioration continue, c’est bien de la logique de BETA, du test & learn et du « fail fast fail smart » qu’il s’agit au global

Si la valeur pour le public final – le client pour une entreprise (ou l’actionnaire), le bénéficiaire (ou le donateur/fondateur) pour une association – est le seul KPI mesuré et pris en compte : tout s’éclaire… L’efficacité, les objectifs, les règles du jeu, les priorités sont plus évidentes et il n’y a plus qu’à se mettre au boulot. Finis les lubies, les convictions ou les « parti-pris » des managers ou des agences !

On cite souvent un américain (John Wanamaker) comme ayant déclaré la formule suivante restée célèbre pour définir la communication : « Je sais que la moitié de mon budget marketing/publicitaire ne sert à rien, mais je ne sais pas quelle moitié« . Et bien en matière digitale, non seulement on sait quelle est la moitié qui sert à rien, car tout est traçable et objectivable (vraiment je veux dire, pas du GRP ou des occasions de voir, ou du CPM), mais en plus on sait que la moitié qui est dépensée en pure perte est celle qui découle des recommandations « stratégiques » d’agences ou des « bons plaisirs » des managers qui se piquent de savoir comment gérer des projets digitaux.

La bonne nouvelle c’est donc qu’on sait quoi éliminer, où sont les gaspillages et comment améliorer l’efficacité et la performance des organisations avec le digital, et comment optimiser les investissements digitaux.

Ouf non !?

Darwinisme et effet Dunning-Kruger du digital

Encore des mots compliqués, mais toujours la même idée : le digital c’est spécial mais ça devrait pas 😉

Brians Solis a souvent l’habitude de nous re-dire à l’envie que le digital est darwniniste/darwinien en ce sens – évolutionniste et de la sélection naturelle – qu’il fait le tri, non pas entre les forts et les faibles, mais entre ceux qui s’adaptent vite et bien, et ceux qui ne le font pas, et qui ont donc vocation à… disparaitre !

Je suis assez d’accord avec cette vision car elle cadre bien avec l’idée que je développe depuis des années auprès des annonceurs et selon laquelle la maitrise d’Internet comprend intrinsèquement un « pouvoir égalisateur » – comme on l’a dit de l’arme nucléaire – et permet aux organisations de tirer leur épingle du jeu, voire de bénéficier d’effet de levier, sans que leur taille et leur budget soient des éléments sur-déterminants, ce qui est le cas en publicité et en marketing « classiques ».

On peut appliquer au digital d’autres grilles cognitives ou théories sociales, et mêmes biologiques ou physiques (rhizome, capillarité, etc.) et dans cette même veine je suis tombé, en révisant des flashcards sur les biais cognitifs (merci Andréi et Erwan pour m’avoir fait découvrir Anki), que l’effet Dunning-Kruger.

J’aimais déjà le principe de Peter – qui veut que dans un système hiérarchique « tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence » – et son corollaire logique qui établit donc qu’ « Avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d’en assumer la responsabilité. » Appliqué au digital c’est très utile pour appréhender la manière dont les décisions impactant la stratégie digitale sont prise, par des gens qui sont en plein « principe + corollaire de Peter » mais qu’Internet rend « encore plus incompétent » car générationnellement, en terme d’usage ou pour des raisons idéologiques, de politique interne ou encore d’égo. Mais l’effet Dunning-Kruger, c’est encore mieux car cela fait toucher du doigt une autre réalité pourtant bien tangible et quotidienne que tous les consultants digitaux connaissent bien.

L’effet Dunning-Kruger décrit un phénomène selon lequel les moins compétents dans un domaine surestiment leur compétence alors que les plus compétents auraient tendance à sous-estimer leur niveau de compétence. J’en ai déjà parlé ici en évoquant le fait que le digital – parce qu’il évolue vite et qu’il est protéiforme, composé de plusieurs couches de métiers différentes et interdépendants – rend forcément humble mais le phénomène démontré par Dunning & Kruger et publié en décembre 1999 dans la revue Journal of Personality and Social Psychology, va encore plus loin.

Effet Dunning-Kruger

Dunning et Kruger se sont basé sur Darwin, encore lui, qui avait noté que « l’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance » mais ils sont allés au-delà en élaborant – après expérimentation sur des étudiants – les hypothèses suivantes selon les niveaux de compétences objectives sur un sujet :

  • la personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence => ça on en a tous été les témoins et c’est particulièrement vrai dans le domaine du digital où soit la personne s’auto-flagelle et se dédouane de tout avis en se décalarant ignorante et donc incompétente, soit quelques maigres notions et/ou compétences génèrent une confiance excessive sur des sujets qui débordent largement la compétence initiale de la personne
  • la personne incompétente ne parvient pas à reconnaître la compétence dans ceux qui la possèdent véritablement => là aussi c’est véritablement quelque chose de quotidien, où c’est quelqu’un dont ce n’est pas la métier ou qui n’a pas démontré de compétences particulières et objectivement vérifiables, qui va contredire, décider ou empêcher la mise en place d’une action légitime et justifiée, en invoquant d’autres raisons (budgétaires, politiques… mais parfois techniques ou de « sécurité » pour les DSI), voire des « croyances » (« personnellement je n’y crois pas, je pense que ça ne marchera pas, que ce n’est pas ce qu’il faut faire »)
  • la personne incompétente ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompétence => là encore, comment le pourrait elle ? mais ce qu’elle peut faire c’est, dans le doute, s’en remettre à des gens dont c’est la profession, qui sanctionnent d’une expérience spécifique dans le domaine concerné…

dunning_kruger_percieved_actual_graph

La conclusion de ces travaux est sans appel et résume bien tout l’enjeu à la fois du métier de consultant digital et de l’importance de la formation et de la conduite du changement dans les organisations qui veulent intégrer le digital au coeur de leurs stratégies : seul un entraînement de ces personnes mène à une amélioration significative de leur compétence, elles pourront alors reconnaître et accepter leurs lacunes antérieures.

Sous réserve que la bonne foi, la volonté d’apprendre et de reconnaitre ses erreurs et surtout que la confiance en l’avis de quelqu’un d’informé et e compétent puisse permettre de dépasser ce biais cognitif largement répandu, c’est effectivement la meilleur chose qui puisse arriver quand on est en prise avec un « effet Dunning-Kruger ».

On y croit 😉

Ethnocentrisme de l’Internet ou l’histoire de Makmende le « Chuck Norris mème » kenyan

C’est en visionnant une passionnante conférence TED (pléonasme, je sais) de Mark Graham sur la géographie de l’Internet que j’ai découvert Makmende, le premier mème kenyan/africain de l’histoire de l’Internet.

Makmende
Au départ c’est l’histoire d’une vidéo “trailer” du groupe afropop kenyan “Just a Band” qui dépasse les 500.000 vues en mettant en scène un personnage “très méchant” tout droit sorti de l’univers de Shaft et des films sur la “blaxploitation”.

Son nom – Makmende Amerudi – est probablement issu de la fusion entre un mot désignant quelqu’un qui se prend pour un super héros et le “Make My Day” de Clint Eastwood dans l’Inspecteur Harry.

Makmende
Véritable buzz au Kenya puis en Afrique, Makmende se réplique comme un mème sur le modèle des Chuck Norris Facts (un florilège est compilé dans cet article des Observateurs France24). Le phénomène Makmende a donc sa page Facebook et sur Twitter aussi via le mot-dièse #makmende.

Le Wall Street Journal, CNN et GQ en parlent mais c’est sur Wikipédia que les choses deviennent plus difficiles puisqu’au départ, il est impossible aux fans de Makmende d’ouvrir une page dédiée à ce mème africain considéré comme anecdotique (voir l’article “Makmende’s so huge, he can’t fit in Wikipedia” d’Ethan Zuckerman en mars 2010).

Makmende

Désormais pleinement intégré dans la culture Internet, et sur Wikipédia, Makmende peut poursuivre sa vie de mème tranquille sur la toile, je vous laisse visionner la vidéo qui a tout déclenché :

Comme quoi, Internet c’est un village pas si global que ça où ce sont les normes et les cultures occidentales qui priment au niveau international, à de rares exceptions – dont dernière et Sud Coréenne vidéo viral de Psy « Gangnam Style », et où les Internets chinois, indiens et encore plus africains restent localisés à leur territoires.

Dommage pour nous car on y perd en créativité !

 

Le digital c’est un métier… Vraiment ? Oui vraiment !

Ne dites pas à ma mère que je suis un spécialiste du digital, elle croit que je suis informaticien 😉

Cela fait plus de 15 ans que je conseille des organisations publiques, privées et associatives dans le domaine élargi de leur présence sur Internet, et, souvent, je me retrouve dans une position un peu paradoxale. En effet, il n’est pas rare que je sois en difficulté, au moins éthique, face à deux messages forts que je tente de faire passer à mes clients et qui peuvent apparaître comme contradictoires.

D’un côté, je leur explique que le digital est une question de posture, d’esprit, que c’est une affaire d’autodidacte et que la meilleure manière de faire est d’abord de faire, par soi-même, et de s’appuyer sur les informations, communautés et moyens qui sont gratuitement et librement disponibles sur Internet, car Internet est né, s’est développé et se pérennise comme cela depuis son origine (pour faire simple).

Mais d’autre part, je défends, et ce n’est pas uniquement intéressé car sinon je n’aurais pas de souci, et donc je n’écrirais pas ce billet, ou je ne dirais pas ce que je dis en première intention (cf. le premier point ci-dessus), je soutiens qu’il faut se faire accompagner par des gens dont c’est la spécialité, le métier, et qu’il vaut mieux y mettre le prix car les conseils gratuits sont souvent peu… payants (lol) et qu’il y va pour le digital comme pour d’autres champs : ce n’est pas le dernier qui a parlé qui a raison, c’est un vrai travail de professionnels.

Contradiction donc à première vue, mais en creusant un peu non, du tout.
C’est l’objet de la « démonstration » qui va suivre…

D’abord ce qui est important, c’est que la disponibilité et la gratuité d’Internet et des informations qui permettent d’en maximiser l’usage pour défendre une cause, vendre des produits ou des services, changer le monde… cette possibilité là demande du temps et des compétences en terme de compréhension et d’intégration. Et oui. Ce n’est pas parce que la plupart des éléments permettant d’apprendre à coder, faire des sites Internet, déployer des campagnes ou créer des contenus sont accessibles gratuitement que c’est facile de devenir informaticien, créateur de site web, rédacteur ou vidéaste, journaliste ou entrepreneur numériques. Ce serait trop facile… Et donc les autodidactes, hackers, créateurs de sites, marketeurs, diffuseurs de contenus, s’ils sont à l’origine des « amateurs » dans tous les beaux sens que possède ce si joli mot, travaillent, se perfectionnent et au final devienne des professionnels, sinon ils restent au stade de l’expérimentation, et donc de l’échec lié au « one shot ».

Ensuite, ce qu’apprend la formidable possibilité offerte par Internet d’apprendre à apprendre, c’est l’humilité, la patience et la prudence. Connaître le digital, c’est savoir que tout y change en permanence, qu’on y est toujours dépassé par le mouvement, par quelqu’un d’autre, qu’il n’y a aucune recette magique ou absolue, que l’expertise ou les effets de mode sont battus en brèche de manière permanente, et donc que la modestie y est une valeur cardinale. D’où le malaise que j’ai souvent quand on me présente comme un « expert digital », ou un « spécialiste » car cela me renvoie à l’ensemble des champs que je ne connais pas, ou pas assez…

Donc, et c’est une conséquence des 2 premiers points, tous ceux qui colportent des certitudes faciles, qui exploitent la relative méconnaissance des autres, et donc qui les méprisent, pour vendre leur beurre ou s’arroger le titre d’expert auto-proclamé, alors même qu’il ne maîtrise qu’un (le code par exemple ou le marketing) ou au mieux quelques aspects du digital, ceux qui vendent de la magie digitale (buzz, Facebook…), tous ceux là violent une règle immuable et non écrite de l’Internet.

C’est vrai du cousin informaticien car il a monté un site, ou du collègue « qui s’y connait » car il a un blog, et qui font croire qu’ils savent (faire)…

C’est vrai du prestataire technique qui dépasse son champ de compétence métier, du consultant qui atteint dans certains domaines mal maîtrisé son seuil d’incompétence (principe de Peter)…

Du jeune community manager qui est incollable sur Facebook mais ne comprend rien à la communication ou au marketing et encore moins à l’éthique et à la vie privée…

Du Président ou du DG qui pèse de son poids hiérarchique pour empêcher des projets auquel il ne « croit » pas, ou qu’il ne comprend pas, ou dont il n’est pas à l’initiative…

Tout ceux là sont des criminels passible devant le tribunal de la bonne utilisation intelligente d’Internet 😉

Face à tous ces apprentis sorciers, Cassandre et gourous auto-proclamés, c’est donc un exercice périlleux en tant que conseil « expert » que de ne pas céder à toutes les sirènes et dérives tout en défendant malgré tout son expertise, d’être affirmatif et ferme dans ses recommandations sans perdre la plus élémentaire réserve et modestie.

Non pas que le #fail soit interdit, le mode « trial and error » est à la base de l’Internet, et faire son « best effort » est natif de ce réseau, mais l’échec doit être préférentiellement du à de bonnes raisons, à une volonté de tester pour optimiser, ne serait ce que pour éviter qu’il se reproduise : pas à des contre sens ou à des utilisations contre nature 😉

Mais en tous cas c’est passionnant…
Et sans fin !

C’est pas demain la veille… c’est maintenant !

La veille… encore un mot valise pratique et évocateur mais qui cache des réalités bien différentes selon qui l’emploie, dans quel contexte, pour quel objectif… Maintenant on dit « e-réputation » mais en fait c’est de la veille, et la veille c’est de la curiosité systématique donc finalement, c’est pas très nouveau, sauf que…

Perso j’en faisais avant de savoir que ça existait, en achetant des journaux, en lisant des livres, en me rencardant auprès de personnes proches de ce qui m’intéressait, et puis j’ai découvert le web et là ça a été une élargissement considérable du champ de ma curiosité, aka veille… et juste après j’ai choisi de finir ma spécialisation universitaire (après les sciences politiques) par un DESS d’intelligence économique où j’ai appris « la théorie et la pratique de la veille stratégique » : rien que ça…

Ensuite en tant que planneur stratégique et qu’expert en communication de crise (chez DDB&Co), j’ai intégré la veille dans ma pratique quotidienne, diffusé des informations en interne pour alimenter les commerciaux et nous donner des biscuits quand on était en compétition / appel d’offre et enfin packagé une offre agence dédiée à de la veille, orienté « insights » et « crise ». C’est à ce moment que j’ai touché du doigt la difficulté de facturer / valoriser ce travail qui mixe intelligence, outils et rigueur car autant tout le monde était toujours content de recevoir des informations pertinentes, ciblées et en temps quasi réel, autant c’était dur de faire accepter que ça représentait une valeur, y compris marchande.

Après DDB, je suis allé monter une structure dédiée à la veille chez Publicis, Netintelligenz, où j’étais responsable du « knowledge management » (SIC) et donc plus concrètement de la veille, des outils et des gens qui la produisaient. Aboutissement de ce processus de formalisation et d’industrialisation de la veille que je réalisais auparavant avec des outils gratuits, j’ai benchmarké et choisi avec mes associés de l’époque une solution automatisée, capitalisant sur une base de connaissance sémantique à réseaux de neurones, déclinées pour le secteur privé à partir de celle qui était en production au sein de la DGSE (Taïga > Arisem). Nous avons mis des mois à paramétrer cette solution, et en attendant nous poursuivions nos veilles « à la main ». Et quand elle s’est révélée opérationnelle, nous avons pris conscience qu’elle n’était efficace que dans des cadres très précis : gros volume de mentions, sémantique peu ambiguë et peu mouvante à surveiller (sinon il fallait renseigner la base de connaissance et apprendre au système le sens des mots), corpus restreint à quelques langues internationales en alphabet occidental (sinon ça marchait pas), sources relativement stables à la fois en terme de technologie et de nouveauté (car il fallait les ajouter à la main)… et il manquait à cette plateforme des outils de visualisation permettant de créer des tableaux de bord quantitatifs, voire qualitatifs (positif, neutre, négatif). Et il n’y avait que les newsgroups et les blogs à l’époque, ni Twitter et ni Facebook !

Par la suite, depuis mon départ de Netintelligenz en 2000, je suis resté « un veilleur » mais sans plateforme sémantique, à la mano avec mes yeux et mon sens de l’analyse, ma connaissance du web, des sources, des différents cycles de l’information… Pour mon travail, pour rester au courant de tout, dans mes conseils, ça m’aide beaucoup, et ça remplit aussi ma curiosité naturelle, mon envie d’apprendre, d’être en prise avec l’actualité du monde, celles des mes centres d’intérêts, etc. De toute mes expériences, j’ai gardé une idée chevillée au corps, une conviction forte comme on dit, que j’avais avant de savoir ce que c’était que « la veille » : le meilleur veilleur du monde ce n’est pas une histoire de sémantique ou de plateforme logicielles valant des centaines de milliers d’euros, c’est juste une question de personne : celle qui sait utiliser les algorithmes et les logiciels qui sont à sa disposition, qui sait formuler de bonnes requêtes, raffiner ses sources, qualifier les documents qu’il détecte, les analyser et les transmettre accompagnés d’un mode d’emploi, d’une recommandation sur « quoi faire face à ce document ? »…

Je veux bien croire que quand on s’appelle Coca Cola, Nike, Apple ou Orange on a besoin d’outils pour gérer une volumétrie impressionnante de mentions de sa marque, et que les plateformes logicielles et les abonnements à des outils/services qui crawlent toutes les sources (et le « web invisible » 😉 dans toutes les langues rassurent les directions générales et com/marketing en donnant de beaux graphiques et des chiffres qui servent dans des rapports… peut être… mais la crise énorme, ou le « signal faible », ou la tendance de fonds, ou l’usage nouveau, ou l’insight stratégique qui peut changer la vie d’une marque à court terme (crise médiatique commençant sur Twitter ou ailleurs sur le web) ou à moyen terme : c’est une personne qui la trouve à chaque fois, soit qu’elle pilote la solution de veille ou qu’elle s’y substitue.

J’ai des dizaines d’exemples de documents déterminants qui sont apparus sur le web à des endroits improbables (et donc non indexés / surveillés), dans des créneaux horaires non standards (vendredi soir, week-end, nuit) ou dont personne n’avait imaginés qu’ils soient importants et qui n’ont été portés à la connaissance des clients que parce qu’un oeil humain, une personne s’en est saisi, l’a vue, comprise et diffusée à la bonne personne, rapidement.

Pour ne donner qu’un seul exemple, en 1999, je me suis retrouvé face à un message posté dans un newsgroup obscur, que j’avais détecté via Dejanews à l’époque (racheté par Google ensuite), sur la base d’une requête comportementale (pas en surveillant le nom d’une marque précise mais une expression contextuelle de mise en cause d’une marque peu importe laquelle) et ce message annonçait une crise retentissante pour la marque qui y était citée mais avec une faute d’orthographe improbable, car le message avait été rédigé par des gens créoles et diffusé via un cybercafé dans un des pays les plus pauvres du monde. Une semaine après, parce que j’avais prévenu le dircom de la marque mise en cause en lui envoyant un simple mail, je me suis retrouvé à partir en urgence dans ce pays, encadré par un garde du corps et en 4×4 blindé, pour étudier in situ la réalité de ce que le message du newsgroups annonçait. Dans ma chambre d’hôtel, de laquelle on pouvait entendre des coups de feu le soir, je me suis pris à penser que « la veille » pouvait être très puissante puisqu’elle m’avait amené jusque là, mais que c’est bien moi qui était le veilleur et pas le moteur de recherche, la plateforme sémantique ou quoi que ce soit d’autre…

Bref, tout ça pour en arriver là : comme je fais une veille permanente pour moi (perso, pro, clients, thématiques émergentes), que j’ai un bookmark et un Google Reader plein de sources accumulées depuis des années et un savoir particulièrement rodée et redoutable dans le domaine, j’ai décidé de proposer de la mutualiser cette matière et de la diffuser, car je sais que cela peut intéresser plein de gens, en agence, chez l’annonceur, dans les start-ups en incubation ou en amorçage, pour les frees aussi. Mon compte Twitter est déjà une source de veille pour quiconque s’intéresse au digital, aux ONG, à l’hacktivisme, à l’activisme, mais là il s’agira d’aller un peu plus loin et de rendre accessible une matière plus opérationnelle, tournée vers la conception la mise en oeuvre et le pilotage de stratégies digitales, l’innovation, les médias sociaux. Cette offre, parce qu’elle ne sera plus seulement « pour moi » et donc parfois aléatoire ou non systématique, sera donc forcément payante et je me suis donc essayé à la packager comme c’est décrit ci-dessous, et d’y ajouter quelque chose de plus : le fait de pouvoir poser des questions et d’avoir des réponses rapides, par mail, car c’est ce que je fais pour des amis, des associations ou des partenaires, gratuitement, mais je pense que cela peut avoir une valeur pour d’autres personnes qui en aurait besoin pour améliorer leurs stratégies.

Mais la vraie question qui demeure est double : pourquoi faire payer alors que je pourrais partager tout ça gratuitement, et qui serait prêt à payer pour obtenir des choses que moi je trouve gratuitement en ligne ? Et bien ça découle de tout ce que j’ai dit avant. Toute l’information nécessaire pour rester pertinent est disponible gratuitement sur Internet (actualités, bonnes pratiques, études, livres blancs, astuces), mais certains n’ont pas le temps de la chercher et de la qualifier (vrai ou faux, obsolète, objectif et indépendant ou commercial ou biaisé). De la même façon, beaucoup d’organisations ont des questions claires et précises qui appellent des réponses concrètes et rapides mais aucune personne disponible, réactive et de confiance à qui les poser. Et c’est là que mon temps, mon expérience et ma valeur ajoutée peuvent intervenir, et que cela appelle naturellement une contre partie car les personnes qui emploient ces informations le font pour augmenter leur valeur à elle : que ce soit des ONG pour améliorer leur notoriété et leur collecte de fonds, les organisations publiques pour rendre un meilleur service, et les entreprises privées pour leur business. Et avoir une information déterminante, au bon moment, ça peut tout changer et ça donc un prix, et en jouant sur le volume d’abonnés je vais tenter de maintenir des prix accessibles mais qui rémunèreront quand même mon temps, car c’est mon métier et mon unique gagne pain (faire des livres sur Anonymous ne paye pas… ou il faudrait en vendre 100 fois plus ;-).

Offre « Edge of digital in your box » :
1. Veille (abonnement mensuel à 99 euros HT) : recevez quotidiennement une veille orientée digitale ciblée et son mode d’emploi sous la forme d’alertes email (minimum 5 par jour ouvrés)
2. Q&A (abonnement mensuel à 199 euros HT) : posez des questions simples et précises, et d’obtenir une réponse dans les 2h par retour de mail (1 par jour ouvré maximum lissé sur 1 mois)
3. Prestations sur mesure (sur devis) : veille spécifique, questions complexes avec remise d’un rapport synthétique dans la demie-journée…)
Modalités : abonnements de 3 mois minimum, remises en cas de cumul d’abonnements (2ème abonnement dans la même société = 30 % offert, 3ème = 40% offert, 4ème et suivant = 50 % offert) ou de parrainage d’abonné supplémentaire (un filleul parrainé = 30 % offert, 2 filleuls = 40% offert, 3 filleuls et filleuls suivants = 50 % offert)

Merci de vos commentaires et remarques si vous trouvez ça perfectible, trop ou pas assez cher, etc.

Internet ne devrait plus exister (sic) et mort au dualisme numérique !

Quand on est un dinosaure de l’Internet, ce qui est mon cas, on aime bien relativiser les effets de mode, les buzz words, prendre du recul et lire autant que relayer les gens qui nous ressemblent comme Cyroul ou Grégory Pouy

Quand on est un dinosaure d’Internet nommé à 24 ans à peine sorti de mes études “cyberconsultant” en chef d’une grande agence de publicité de la rue d’Amsterdam (1 pour des centaines de salariés à l’époque…), on n’a jamais surfé ou profité pas sur l’incompétence structurelle et généralisée qui a entouré les entreprises et les organisations en matière numérique depuis 15 ans. On a plutôt prêché pour la banalisation des technologies, la primauté des usages, la pérennité des stratégies au-delà des médias et de leurs innovations, fait de la pédagogie et du transfert de compétences… Je me souviens de mes présentations internes sur l’histoire d’Internet ou les photos de Timothy Leary côtoyaient des slides sur la cybernétique et des schémas sur l’équivalence entre une adresse IP et un nom de domaine, entre une page web et son code source… Et je me revois un peu plus tard, en 2000, porteur de stock-options dans une “spin-off”, persister malgré la folie ambiante à écrire dans mes recommandations : “les internautes ça n’existe plus” pour bien marquer que les personnes connectées devenaient de plus en plus représentatives de la population et qu’elles ne constituaient pas une sous-section de l’espère humaine, en tous cas pas plus que “les téléspectateurs”…

Hype Cycle

Quand on est un dinosaure numérique et qu’on voit que maintenant tout le monde parle de digital, prétend faire du digital, fait faire à ses clients des actions dispendieuses autant qu’inutiles, voire génératrices de crises ou de balles dans le pied : et bien parfois ça rend au mieux rêveur, au pire très en colère. Car c’est à croire que le “hype cycle” n’est connu de personne, que l’argent coule à flot au point que tout soit bon tant que c’est “digital”, “mobile”, “solomo” ou “atawad”, ou que ça s’affiche sur un iPad ou un iPhone… C’est à croire que les valorisations sont toujours spéculative quand elles sont numériques (pourtant les milliards de Facebook sont bien réels) et que les marques peuvent se permettre de faire n’importe quoi avec leurs publics (clients, salariés, citoyens, décideurs), qu’elles sont conscientes que c’est pas grave de prendre les gens pour des gogos ou pour des porte monnaies à clavier ou à écrans tactiles et que ne pas construire dans la durée est rattrapable. A tel point qu’en écho à mon “les internautes ça n’existe pas” des années 2000, ce nouveau millénaire me donne envie de dire que c’est Internet et le numérique qui n’existe plus ou en tous cas ne devrait plus exister.

Mort au dualisme numérique (et aux incompétents criminels) !

C’est ça que j’ai envie de crier, de décliner en note, en reco et en stratégies digitales. Non les internautes n’existent plus, pas plus que les digital mums (nouveau nom pas moins méprisant pour désigner la ménagère de moins de 50 ans) ou les silver surfers (seniors connectés), pas plus que le “virtuel n’existe pas” (ré-écouter l’excellent Place de la Toile à ce sujet) : il n’y a que des personnes qui sont connectées par d’autres moyens que les pigeons voyageurs et le télé-quelque-chose (graphe, phone, etc.) mais ces moyens n’en sont pas moins matériels, réels et bien existants (cables, ondes, routeurs, serveurs, ordianteurs, smartphones ou tablettes). Donc non, le “cloud” n’est pas plus écolo ou immatériel que le snail mail de La Poste, donc re-non les “internautes / tablonautes / mobilnautes” ne sont pas des gens différents de ceux qui se baladent dans la rue, donc re-re-non les “hacktivistes” d’Anonymous ou de Télécomix ne sont pas des extra-terrestres ou des membres d’une quelconque Al Qaeda numérique, et enfin non les “agences digitales” ou les “stratégies digitales” n’ont pas de différence de nature avec les stratégies marketing et communication “d’avant”, ou les agences conseil “offline” (sic). Parce qu’une fois que vous l’avez votre application iPhone, votre webTV, votre jeu sur Facebook ou votre compte Twitter, et bien qu’est ce qui se passe de plus si vous n’avez pas de stratégie d’ensemble ? Comment justifiez vous le coût de sa conception, de son animation et de sa rentabilisation si aucune place d’existe pour cela dans votre écosystème ? Quelle image croyiez-vous que vous donnez quand vous gérez votre page Facebook comme un débutant qui ne savait pas comment fonctionne réellement le edge rank, comme un filou en achetant des faux fans, comme un marchand de tapis qui croit qu’il va vendre des produits ou faire donner à une association rien qu’en faisant des mise à jour et encore comme un amuseur sans réel fond permettant de créer une relation ? Allez vous dire ensuite que « le digital ça ne marche pas » ou que c’est intéressant mais qu’on a « pas encore de résultats mesurables » ou qu’il « faut bien aller mais que franchement les bonnes vieilles méthodes sont plus efficaces » ?

Yoda

Un de mes “vieux” maîtres dans le métier, qui fut tour à tour mon employeur, mon client et mon associé (et qui le reste encore aujourd’hui), m’a donné ces 15 dernières années l’exemple parfait de quelqu’un de non-geek mais comprenant parfaitement Internet, d’un utilisateur très segmenté (ordinateur, mobile, uniquement du web et encore mais pas de réseaux sociaux, pas de blog, forums, IRC ou d’autres protocoles exotiques) mais ayant une intuition très forte des phénomènes numériques, des usages et des lois d’airain de l’humanité connectée. CQFD me direz-vous, et bien pas tout à fait car je n’ai compris que très récemment ce qu’il voulait vraiment me dire quand il me disait toujours au bout d’un moment face à mon enthousiasme digital : “il vaut mieux avoir un quart d’heure de retard qu’une heure d’avance”. Non pas qu’il tentait de justifier le fait qu’il est toujours en retard à ses rendez-vous (IRL je veux dire), mais bien au final qu’après le “hype cycle” il y a l’adoption progressive par le grand public des innovations, l’intégration “normale” des technologies dans les stratégies et la fin des experts auto-proclamés du digital, au profit des seuls vrais qui vaillent : ceux qui connaissent l’âme humaine, les comportements (ethno, psycho et socio) et qui peuvent traduire cela en stratégies et en actions. En fait il me disait la même chose que ce que je pensais mais je croyais qu’il me disait le contraire : les révolutions consistent à faire un 360° et à revenir au même point, mais en avançant quand même un peu, mais toujours avec des femmes, des hommes… et des outils qui les servent ou dont ils se servent !

Et si on passait au « lean management » et au « six Sigma » du digital ?

Donc stop aux stratégies digitales car sauf fracture numérique : Internet n’existe plus il est partout , les internautes non plus n’existent plus car on fait du shopping ou on regarde la TV de manière connectée et les experts digitaux ne devraient plus exister car ils doivent être des experts en marketing/communication ET en digital au lieu de sur-vendre leurs maigres et peu humbles connaissances des remous que provoquent les phénomènes de hype cycle. Place aux experts digitaux qui pensent des stratégies connectées et réalistes et qui aident les annonceurs ou leurs conseils à intégrer le digital dans des stratégies pérennes et fortes. Et à l’heure où tout le monde recrute des « community managers » et investit dans le « F-commerce« , il est temps de réserver une ligne budgétaire pour des missions d’audit, d’AMOA, de cost-killing, de qualité et d’élimination des problèmes et des gaspillages dans les stratégies, actions et prestations digitales. Car il y en aurait des gisements de nouveaux budgets et des réserves d’innovation si on voulait bien ne pas céder aux sirènes de la mode, du conformisme et de la gabegie d’investissements numériques non alignés avec la stratégie générale de l’organisation et les usages des publics qui sont visés par ces stratégies ! Avec tout cet argent, on pourrait même se concentrer sur le vrai marketing et la vraie communication, celle qui, comme chacun le sait, consiste à fournir un produit ou un service utile, performant et beau, tout ça à un juste prix, et en participant à créer de la valeur économique et sociale sans détériorer l’environnement.

Je rêve ? Tant mieux : chiche alors !