Publier un livre sur Anonymous, c’est un peu LIMITE… mais pas que !

Depuis quelques jours, quelques semaines, et en fait depuis décembre 2010 où ils ont pris la défense de Wikileaks, Anonymous fait la une des médias. Et si vous avez vu, lu, entendu ou surfé sur des analyses et commentaires concernant Anonymous, il se peut que vous soyez tombé sur une mention du livre « Anonymous. Pirates informatiques ou altermondialistes numériques. Peuvent-ils changer le monde » qui est sorti chez FYP Editions en novembre 2011 et qu’on a écrit avec Nicolas Danet qui travaille aussi au sein de l’Agence LIMITE.

Quel rapport entre Anonymous et LIMITE pourrait-on se dire ? Comment ont-ils eu le temps d’écrire des livres et de parler aux médias de ces pirates informatiques qui s’en sont pris au site d’Hadopi, de l’Elysée, du Ministère de la Défense, de Vivendi, du FBI, de Sony et auparavant de l’OTAN et de bien d’autres ? Et bien c’est le but de cet article que de vous expliquer pourquoi tout cela est très cohérent pour nous de publier un tel ouvrage et de nous intéresser à Anonymous.

Il est important de dire que ce livre est la première description du phénomène Anonymous a avoir été éditée, en France mais également au niveau international, et qu’il est né d’une rencontre, d’une volonté et d’un travail communs que le projet de l’Agence LIMITE n’a fait qu’encourager et développer, et que le résultat est à l’image de ce que l’Agence sait et veut faire auprès de ces clients. C’est cette histoire que je veux raconter ici.

La rencontre d’abord. Quand j’étais intervenant professionnel au CELSA, chose que je n’ai plus le temps de faire et je le regrette profondément, je suis tombé sur un étudiant particulièrement brillant que j’ai immédiatement identifié comme « meilleur que moi » car nativement digital, intrinsèquement plus en recul avec ses pratiques numériques et particulièrement pertinent dans ces questionnements. C’est avec lui et certains autres de ses camarades que j’ai pris du plaisir à partager, à diffuser ce que je savais et à apprendre en retour comme c’est souvent le cas quand on transmets, c’est un aller-retour et c’est trop bon, ça me manque beaucoup.

Ensuite Nicolas est entré en stage à LIMITE où il a pu pratiquer le projet et les valeurs de l’Agence, et travailler plus concrètement et professionnellement avec les membres de l’équipe, et avec moi. Nous lui avons rapidement proposé de rester à l’Agence et de poursuivre son apprentissage du métier de chef de projet / planneur / trouveur de solutions (parce que c’est ça que nous faisons finalement), et de continuer dans le même temps à être lui-même car c’est ça la politique RH de LIMITE. Nos échanges ne se limitaient pas à des aspects uniquement liés aux clients et thématiques opérationnelles de nos missions : nous avons continuer à s’envoyer des informations et à débattre sur Internet, ses valeurs, son sens, son utilité, ses populations, ses plateformes, sa culture…

Et donc quand Wikileaks est arrivé eu devant de la scène mondiale, puis Anonymous pour défendre cet OVNI à mi chemin entre hacking et journalisme : nos échanges ont redoublé d’intensité quantativement et qualitativement. Nous avons cherché ce que les cables Wikileaks disait des ONG, comment cela pouvait influencer notre travail, les méthodes de plaidoyer, les techniques de mobilisation en ligne, la mission des défenseurs des droits de l’homme, l’usage politique et social des réseaux sociaux, la transformation d’un phénomène underground en mouvement social… Et on aurait pu en rester là si un ami de Nicolas n’était pas le neveu d’un éditeur qui cherchait des auteurs pour publier un ouvrage sur Anonymous. C’est à ce moment que tout a basculé…

D’emblée nous avons pensé au temps et à l’énergie qu’il faudrait pour faire le travail de recherche documentaire, décrire de manière intelligible et structurée Anonymous et faire ensuite la promotion de ce travail. Nous ne voulions bâcler aucune étape et étions donc très conscient que ça allait nous demander des efforts considérables, et que la thématique que nous investissions n’était pas neutre quand à la mission de l’Agence et nous en avons donc parlé sérieusement avec les associés de LIMITE. Le consensus (ou « palabre » dans le vocabulaire maison) n’a pas tardé à faire émerger la décision et sa justification : il fallait faire ce livre car Nicolas et moi le voulions (beaucoup), parce que c’était intéressant pour l’Agence d’investiguer ce phénomène digital et politique en plein devenir (un peu), mais il fallait déconnecter les choses et bien poser publiquement que les auteurs n’engageaient que leurs points de vues (pas ceux de LIMITE) et leur énergie (pas le temps passé facturé aux clients de l’Agence). C’est comme cela que tout a continué et que ce livre est né.

Ensuite, ce livre sur Anonymous découle aussi directement d’une volonté : celle de dire la vérité et d’être honnête autant que responsable, en revenant sur les tenants et les aboutissants d’un phénomène aussi complexe qu’Anonymous. Donc loin des clichés sur les « pirates qui terrorisent la toile » (manchette véridique d’un titre de presse écrite) et des contre vérités  d’éditorialistes en mal de publicité qui s’auto-désignent comme cible du fait de leur méconnaissance et de leur orgueil, notre ouvrage décrit comment la cyberculture et Internet sont 2 héritiers d’un subtil mélange qui a réuni aux Etats-Unis autour des hackers, ces bidouilleurs informatiques, des universitaires, des hippies, des militants de la contre culture et des militaires.

Notre travail revient aussi sur la manière dont, dès les débuts de l’informatique, l’éthique des hackers et leur vision politique du réseau des réseaux a inscrit au coeur de l’ADN d’Internet des valeurs très fortes. Cette cyberculture originelle, dont Anonymous est un des dignes représentants aujourd’hui, est basée sur des idées et des pratiques de partage, d’indépendance, de décentralisation, de liberté de l’information, de capitalisation sur des biens communs (logiciels libres, licences ouvertes), d’horizontalité, d’autogestion.

C’est cela qui nous a également permis de faire des ponts entre notre travail auprès des ONG et notre enquête sur l’hacktivisme (l’activisme des hackers). Nous avons même organisé un webreakfast qui a vu s’exprimer Okhin, de Télécomix, un autre collectif hacktiviste, différent d’Anonymous sur plusieurs aspects (anonymat, méthodes, objectifs…), face à des ONG environnementales, de défense des droits de l’homme, du domaine de la santé et du social : échanges passionnants et riches, mais entre 2 mondes qui n’étaient pas encore poreux, ce n’est plus le cas aujourd’hui avec des rapprochements clairs entre les hacktivistes et des organisations comme Reporters Sans Frontières, la FIDH, Human Rights Watch…

Enfin, après la publication du livre en novembre dernier, Anonymous nous a offert une promotion que nous n’avions pas imaginé et dont nous n’aurions pas pu espérer qu’elle nous donnerait autant de soutien. OpSyria contre la censure de l’Internet par Bachar el Asad. Entre Noël et le jour de l’an 2011, Anonymous a attaqué une forme de sécurité privée, lui volant des numéros de CB qui seront utilisés pour faire des dons à des ONG. Et puis c’est le mouvement international contre SOPA et PIPA, 2 législations américaines (lien vers papier de Nicolas), un soutien aux salariés licenciés par Arcelor Mittal en Belgique, et enfin la réaction à la fermeture de Megaupload qui a propulsé ce sujet réservé aux geeks en débat public et en discussion grand public.

Tous ces événements voient Anonymous devenir une bannière internationale qui permet d’exprimer un mécontentement fort des « habitants d’Internet » partout dans le monde, une critique déterminée des dispositifs de surveillance et de censure qu’ils soient dans les pays dits dictatoriaux ou dans les démocraties, une promotion de modes alternatifs de gouvernance et de partage des biens communs (logiciels, culture, information)… bref autant de thématiques qui peuvent être portées par des ONG ou des mouvements politiques et sociaux. Depuis, nous ne sommes pas sur écoute, la DCRI ne s’intéresse pas à nous, nous n’avons pas eu de contrôle fiscal mais… Anonymous est dans la rue partout dans le monde contre ACTA et ce n’est que le début !

En tant que fins connaisseurs d’Anonymous, Nicolas et moi-même nous sommes fait rapidement connaître des médias TV, radio, presse et web, en France mais également dans les pays francophones, et nous avons ainsi pu assurer une médiatisation importante pour le livre et faire passer des messages pédagogiques auprès des journalistes et donc du grand public, au-delà des clichés, des contre vérités et des raccourcis faciles à faire concernant Anonymous. Ce savoir-faire là, médiatiser fortement une thématique complexe sans la trahir, c’est une compétence que nous mettons au service de nos clients depuis plusieurs années, et les ONG, associations et fondations savent à quel point c’est utile pour leur plaidoyer, leur communication et leur collecte de fonds.

C’est pour toutes ces raisons, et encore bien d’autres que vous pourrez découvrir en lisant le livre (vos réactions pour celles et ceux qui l’ont lu sont les bienvenues dans les commentaires) ou en travaillant avec LIMITE si ce n’est pas encore le cas (eh eh), que nous persistons et nous signons : oui, c’est vrai, publier un livre sur Anonymous, c’est vraiment un peu beaucoup LIMITE. CQFD 😉

La question qui se pose maintenant c’est plutôt dans quelle mesure il est possible de continuer à être « observateur » quand on a envie d’agir, et aussi comment prioriser tout ce que ce livre a généré et déclenché chez moi, et LIMITE qui demande toujours plus de temps. Ca l’histoire le dit pas, pas encore en tous cas.

Disclaimer : ce post était prévu pour être publié sur le blog de LIMITE.

2 commentaires sur “Publier un livre sur Anonymous, c’est un peu LIMITE… mais pas que !

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